En ce jour de l'année 1971, et plus précisément dans la région sahraouie de Hassi R'mel, alors qu'un artiste était en train de peindre une toile en plein air, une forte tempête de sable s'était levée, et comme la peinture était encore fraîche, plusieurs grains de sable sont venus s'y coller. L'artiste s'est donc énervé, pensant que celle-ci était définitivement perdue, mais en voyant les grains de sable qui brillaient sur la toile au reflet du soleil, il réalise qu'un nouvel art était né. Et c'est à partir de cet incident que commence sa grande aventure avec le sablage sur toile. Cet artiste peintre, Djedid Tahar, est, ces jours-ci, à Oran à l'occasion de la semaine culturelle de la wilaya de Laghouat. «J'ai donné le nom de sablage sur toile à cet art, parce qu'il repose essentiellement, pour sa réalisation, sur le sable et certains artistes locaux, ceux d'Aflou, lui ont donné le surnom de ‘Jdidyezem' du nom du sable utilisé», raconte le précurseur de cet art. Djedid tahar ajoute: «Tout le monde sait que l'Algérie possède plusieurs types de sable, avec différentes couleurs et volumes. J'aime ainsi beaucoup me promener à la recherche de l'inconnu, à la découverte de nouveaux types de sable. Chaque région a son propre sable et pour mes toiles j'utilise celui des dunes que je rapporte de Laghouat. Celui-ci a trois couleurs: jaune, blanc et rouge.» «Cela dit, précise l'artiste, j'utilise aussi le sable de Menaâ, Boussaâda et Ouargla, ainsi que celui des plages de Gouraya, de Tipaza, de Mostaganem et d'Oran.» Cet art devrait avoir bien des avantages… C'est le cas rétorque Tahar. «Ce qui est bien, c'est qu'il n'est pas coûteux et ne demande pas beaucoup d'instruments, le sable étant disponible. La colle blanche du menuisier aussi pour le mélange.» Volet inspiration, il la puise dans son environnement, dans la rue, des les souks… «Quand je vois le sourire d'un enfant, il s'enregistre automatiquement dans ma mémoire, ensuite je le fais ressortir dans mes œuvres», raconte l'artiste. «Je m'appuie aussi, dit-il, sur des sujets philosophiques, en utilisant la symbolique. C'est l'exemple dans cette toile intitulée "La femme chandelle". J'ai voulu montrer à travers cette peinture une femme qui inspire les gens, mais qui, au fond d'elle-même, cache une grande souffrance. C'est pour cela qu'elle se trouve mise en parallèle de la bougie et qui se laisse brûler pour éclairer la place.» Mais comment faisait-il, quand il était à SONATRACH, pour surfer entre son métier et sa passion? «Certains se trompent, rétorque-t-il, en disant que les Algériens sont des pantouflards. Moi, personnellement, j'ai travaillé durant 37 ans comme cadre technique. Je bossais 16 heures par jour, huit heures consacrées à la SONATRACH et huit autres à l'art.» Retour à l'art du sablage. «Faire du sable une matière artistique, constituait l'un de mes objectifs», raconte Djedid qui précise: «Dans le passé, il était considéré comme le symbole du désespoir et de la sècheresse et faisait allusion à la pauvreté et aux tempêtes du désert. Je voulais donc changer cette image, lui donner une autre signification et traduire son langage riche de couleurs douces. Depuis le début de cette aventure, je rêve de bâtir une école de sablage sur toile. Et dois-je le faire remarquer beaucoup d'artistes le pratiquent aujourd'hui. Les toiles se vendent dans toutes les régions du globe. Malheureusement, je peine à réaliser ce rêve. J'espère que cet art sera introduit comme matière dans le cursus de tous les instituts nationaux des Beaux Arts.» L'artiste a participé, individuellement, à plus de 150 expositions en Algérie. Il a obtenu des médailles en or et en argent et plusieurs prix. Au plan international, il compte 20 participations à des expositions, certaines aux Etats-Unis où il a eu plusieurs prix, en France et en Italie où il a décroché le prix du deuxième meilleur sculpteur à Sambdoria. Il a exposé aussi en Angleterre et en Egypte et ses œuvres sont exposées dans des musées d'Europe. Invité à dire son avis sur le goût artistique des Algériens, Djedid dira: «J'ai visité plusieurs pays, mais je n'ai jamais vu un peuple aussi sensible que celui d'Algérie. Il donne beaucoup de valeur à l'art et aux artistes et j'en suis très fier. Je suis bien accueilli, partout où je vais, que je sois connu ou non.»