L'euro flambe de nouveau sur le marché parallèle de la devise, après avoir connu un certain tassement pendant les mois de juillet et août, du fait des flux massifs apportés par les émigrés. A Port Saïd, «la bourse d'Alger», la monnaie européenne se négocie à 125 dinars pour un euro, pour les coupures de 500, 200 et 100 euros. Le taux de change est légèrement inférieur pour les coupures de 50, 10 et 5 euros, qui ne sont pas très demandées, explique un des «cambistes» qui tient dans ses deux mains, en pleine rue Abane Ramdane, deux liasses de billets. Des euros pour la vente et des dinars pour l'achat. Pourquoi une telle envolée, alors qu'aux mois de juillet et août, l'euro est descendu en dessous du seuil psychologique. «La plupart des émigrés qui ont inondé le marché sont repartis, il y a donc moins de devises sur le marché», de l'avis de Hakim pour qui ces fluctuations sont «normales». La subite envolée, constatée au lendemain de l'Aïd est le fait de ceux qui pratiquent «le commerce du cabas» explique-t-on. «Ils ont écoulé leur marchandise pendant l'Aïd, ils ont bien travaillé, ils reviennent sur le marché de la devise pour aller s'approvisionner en Turquie, en Syrie, en Chine, à Taiwan, et ce, en prévision de l'Aïd El Kébir. La rentrée a, comme l'expliquent nos interlocuteurs, boosté la demande sur l'euro, dans la mesure où nombre d'importateurs d'articles scolaires se sont rabattus sur le marché parallèle. Autre cause de l'envolée, la omra. «Ceux qui vont à la omra achètent des devises pour ramener des cadeaux à leurs familles et d'autres ramènent des marchandises telles que les parfums et les khimars qu'ils écoulent sur le marché pour amortir les frais du voyage et du séjour en Arabie saoudite. En fait, la omra et «le commerce du cabas» n'impactent que passablement sur le marché parallèle de la devise, à en croire Salah Boutout, enseignant à l'Ecole supérieur du commerce d'Alger. «Avec la nouvelle loi de Finances, qui instaure une traçabilité rigoureuse, nombre d'importateurs qui ne peuvent accéder aux crédits bancaires en devises se sont rabattus sur le marché parallèle pour régler leurs achats» souligne-t-il, en prévoyant la persistance de la tension sur la demande en devises, si des assouplissements des dispositions de la LFC 2009 n'interviennent pas. Salah Boutout impute l'envolée de l'euro aux sociétés étrangères qui opèrent en Algérie. «Etant dans l'impossibilité de transférer une partie de leurs bénéfices, via les circuits officiels de la banque d'Algérie qui imposent des conditions bureaucratiques, ces entreprises contournent la loi en sachant pertinemment qu'elles sont passibles de poursuites judicaires et achètent sur le marché parallèle». Il va sans dire que ce type de pratique qui suppose des complicités au niveau des douanes, lors du transfert, cause un préjudice incommensurable pour le trésor. Mais cela revient à poser le problème de notre système bancaire qui est en totale déconnexion avec les règles du libre marché.