Jamais, dans l'histoire du Festival de Cannes, film n'a fait l'objet d'une polémique aussi forte et aussi tendancieuse que «Hors-la-loi» de Rachid Bouchareb. Avant même sa projection, le film a suscité une intense polémique au point où finalement il n'a pas été jugé en tant qu'œuvre d'art. Très attendu, après avoir suscité des réactions de rejet, "Hors-la-loi" est un efficace thriller politique qui suit trois frères déchirés par la guerre d'Algérie, une lutte d'indépendance que le cinéaste franco-algérien, Rachid Bouchareb, dépeint comme sale mais juste. Le film n'a finalement obtenu aucune distinction au Festival de Cannes, à l'inverse de «Des hommes et des Dieux», l'autre film évoquant l'Algérie à travers la vie des moines de Tibhirine dont la mort fait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire en France. Ce dernier a reçu le prestigieux Grand prix du Jury. Après sa projection, vendredi dans la matinée, la presse et les critiques françaises ont relevé unanimement les faiblesses de «Hors-la-loi» dont notamment le scénario peu convaincant et des personnages à la limite de la caricature. Finalement, Rachid Bouchareb n'a pas atteint l'objectif qu'il s'est assigné au début de son projet, à savoir rétablir certaines vérités historiques. Intervenant dans une conjoncture de tension entre la France et l'Algérie, le sujet abordé par le cinéaste ne pouvait forcément pas échapper au débat même s'il est nécessaire pour décomplexer la situation. Mais, force est de constater que ce débat a vite viré à une polémique qui a réveillé les démons sans pour autant parvenir à relever le niveau. Par la polémique qu'il a déclenchée et les passions qu'il a fait naître, le film a débordé de son contexte puisque certains sont allés jusqu'à manifester. Les harkis, leurs fils, d'anciens combattants et pas des députés UMP. Cette situation n'était pas favorable pour sanctionner positivement le film. L'aspect politique l'a finalement emporté sur la critique artistique, et le jury, complice ou non, a enfoncé le clou en primant un autre film à polémique. Comme le football, le cinéma n'est plus l'art qu'il devait être mais un enjeu politique. «Chroniques des années de braise», de Lakhdar Hamina, avait déclenché la même polémique bien qu'il ait été primé en 1974. Il est vrai que la courte période qui séparait la tenue du Festival (en 1974) et la date de l'indépendance, 12 ans, pouvait expliquer que les passions étaient encore fortes. Ce qui ne devait pas être le cas pour «Hors-la-loi».