St Antoine est un quartier d'Oran, voisin de M'dina J'dida, puisqu'une seule artère les sépare, que la forme rappelle étrangement un triangle régulier dont les trois côtés sont la rue de Tlemcen, le boulevard Mascara et la rue de Ganay.Naguère, ce quartier abritait des familles européennes et algériennes qui cohabitaient bon an mal an, malgré la situation qui prévalait à cette époque.Remontons le temps pour nous situer dans les années d'avant l'indépendance. Pour ceux qui s'en rappellent, les maisons et immeubles à St Antoine étaient bien entretenus. Leurs propriétaires y tenaient. Les rues étaient propres car nettoyées quotidiennement et à grande eau, s'il vous plaît, puisque les bouches d'incendie qui existaient à cette époque servaient à l'arrosage des chaussées et trottoirs. Le quartier connaissait une grande animation avec les quatre salles de cinéma qui recevaient, chaque jour que Dieu fait, leur clientèle. Ainsi, le Victoria qui se trouvait à la place Laurence donnait en représentation des films de cape et d'épée ou des westerns prisés surtout par les jeunes cinéphiles. L'Eldorado, à la rue de Tlemcen, était fréquenté par des spectateurs plus «mûrs». Pour le Rex, en bas de la même rue de Tlemcen, c'étaient les films arabes qui étaient visionnés par les Oranaises qui bénéficiaient de séances qui leur étaient spécialement réservées. Enfin le Magic, à la rue d'Ajaccio, donnait surtout des films arabes et hindous. La place Laurence, le cœur battant de St Antoine, était un endroit ombragé fréquenté par des adultes et les enfants du voisinage qui venaient là pour jouer autour des bancs publics. Un kiosque, tenu justement par le père du propriétaire du Victoria, s'y érigeait et écoulait bonbons, tabac et autres illustrés aux clients. La rue Interne Ginet, qui commence à la place Laurence et finit à la rue de Ganay, était réputée pour avoir abrité le seul café maure du quartier, au milieu de nombreux bars appartenant aux Européens de l'époque. Ammi Tayeb, le propriétaire, malgré son air austère, était estimé par ses nombreux clients qui le taquinaient souvent en l'appelant par un sobriquet qui le mettait en boule. Son estaminet, mine de rien, était un endroit de ralliement pour de nombreux fidaïs lors de la Guerre de libération. En haut de cette même rue, était érigée une maison dont l'occupant n'était autre que le grand Uléma et résistant, le cheikh Tayeb El Mehadji dont le fils, Si Kacem, est un grand chahid. A la rue Mac Mahon, une imposante maison, non moins célèbre, s'élevait également. Elle appartenait à Caïda Halima, une figure emblématique de la ville d'Oran qui a fait beaucoup pour la Révolution algérienne. Un peu plus loin, la rue Cambronne a vu plusieurs de ses enfants tomber au champ d'honneur, parmi eux Loumi Mustapha et Boukerche Lahouari, tués par l'armée coloniale à la fleur de l'âge. Dans cette même ruelle, il y avait aussi la maison de cheikh Miloud El Mehadji, un uléma connu, compagnon du cheikh Ibn Badis, et l'un des fondateurs de la mosquée El Falah. C'est dire si cet antique quartier était un berceau des vrais défenseurs de la cause nationale. Aujourd'hui, hélas, tout y tombe en désuétude et rien ne subsiste de ce qu'était cet endroit avant son abandon et le laisser-aller qui l'a pris en otage.Tout y est dégradé et personne ne paraît s'en émouvoir pour autant. Devant cette navrante situation, les enfants de St Antoine espèrent vivement une prise en charge sérieuse de leur vieux quartier afin de lui redonner son lustre d'antan car il le mérite bien.