Créée en 1963, avec le statut «d'organisation nationale des non-voyants», la première et la seule d'ailleurs à avoir bénéficié de ce statut après l'Indépendance, l'actuelle «Union des aveugles de la wilaya d'Oran», déclassifiée depuis, pour être classée dans la catégorie des «maladies chroniques», vit le drame au jour le jour. Et comme si un malheur à lui seul, à savoir celui de perdre la vue, ne suffisait pas, il faudra que maintenant cette frange de la société doive subir l'humiliation et le mépris. Et pour cause, n'étant plus classés avec les handicapés, dépouillés de leur statut d'organisation nationale, sous prétexte qu'ils peuvent faire usage de leurs membres inférieurs, catégorisés comme cité ci haut parmi «les malades chroniques», les non-voyants n'ont pas droit à la gratuité des médicaments. «Le seul avantage dont ils bénéficient, c'est la gratuité du transport et uniquement au niveau du chemin de fer», dira le président de l'Union des aveugles de la wilaya d'Oran, Lahouali Mohamed, dont le siège se trouve au boulevard Emir Abdelkader. Un siège qui, il y a encore quelques mois, se trouvait dans un état désastreux, et ce, après qu'un incendie l'a complètement ravagé, en avril 2006. Des lieux repoussants et sales, des toilettes sans porte et installées à même la cuisine, des murs lézardés et une humidité suffocante. Pour terminer, un cachot en plein centre ville qui renseigne fort bien sur le quotidien de ces non-voyants. Le siège en question serait toujours en ruine, n'était l'intervention d'âmes charitables, de bienfaiteurs et bénévoles, totalement désintéressés par un quelconque avantage qui ont décidé d'entreprendre des travaux de réaménagement, et ce, afin que ces lieux redeviennent décents. Pour l'anecdote, un non-voyant a cru se tromper de porte et d'étage, en ne reconnaissant pas l'odeur rafraîchie des lieux. Pourtant, de nombreuses correspondances ont été adressées au maire de la ville d'Oran, le 14 mars 2011 ainsi qu'au directeur général de l'OPGI, le 24 mai 2009 et une autre lettre de rappel, le 19 octobre 2009, mais aucune de ces instances n'a daigné leur venir en aide.
«Zéro dinar de subventions»
Cette «déclassification» a eu un impact fatal sur le fonctionnement de cette «Union des aveugles» et donc sur ses milliers d'inscrits, puisque ceci la prive du bénéfice des subventions. Il va falloir qu'elle change de statut et se transformer en association, afin de pouvoir y prétendre. Un transfert de statut auquel s'opposent les membres du bureau national, car, selon eux, cela les pénaliserait sur tous les plans. La dernière subvention en date remonte à l'an 2009 et était de 40 millions de centimes. Des broutilles. Le non–voyant perçoit une indemnité mensuelle de 3.000 Da, sous forme d'aide sociale. D'autres non-voyants sont sur la liste d'attente, depuis plus de 3 ans! Il y va de soi que cela ne suffit même pas à subvenir aux besoins les plus élémentaires. Notamment, lorsqu'il s'agit d'acheter les médicaments nécessaires à leur traitement. Il semblerait qu'enfin le glaucome soit proposé sur la liste des produits de la sécurité sociale. Une revendication qui tarde vraiment à aboutir. Quant à pouvoir acheter les équipements nécessaires, cela relève de la chimère, quand on sait qu'une tablette en braille coûte les yeux de la tête, qu'un micro-ordinateur adapté ne se négocie pas à moins de 235 millions de centimes et qu'un afficheur à pas moins de 100 millions de centimes.
Les formations au profit des non-voyants, le grand hic!
De bataille en bataille, les non-voyants réclament la révision de la loi 02/09 du 08 mai 2009. «Nous jugeons cette loi pénalisante à l'égard de cette frange de la population. Si ce n'était que cela! Car en termes de formations, concernant les non-voyants, sur les 20 filières réparties en 301 spécialités, programmées dans les centres de formation, aucune ne les concerne. C'est pour dire les difficultés rencontrées pour la réinsertion sociale d'un grand nombre d'entre eux».
L'ENABROS, un acquis perdu
A l'origine, dénommée «société des aveugles» et dont les locaux ont été cédés par une donatrice française, avait changé de statut pour devenir ENABROS, puis un peu plus tard EPIH, elle employait un certain nombre de non-voyants, ce qui leur permettait d'avoir un gain subsidiaire. Or, ce sont des dizaines de pères de familles qui en ont fait les frais, vu que l'entreprise connaît une réelle défaillance.
L'Algérie compte 173.000 non-voyants dont 4.650 à Oran. Leur quotidien est un parcours du combattant. Ils se heurtent à une société qui leur est quelque peu hostile et ont du mal à marquer leur territoire. Certains pensent que les non voyants sont des personnes comme vous et moi et que leur cécité ne doit pas être considérée comme un handicap. Très bien. Les aveugles n'en demandent pas moins mais dès qu'ils se comportent en tant que tel et décident d'aller chercher du travail, les portes leur sont claquées au nez et leur cécité se transforme en un véritable handicap. Ainsi les non voyants ne savent plus sur quel pied danser et se posent donc la question suivante: «Sommes-nous considérés comme des handicapés qui ont droit à une pension ou comme des personnes ordinaires qui peuvent travailler et toucher un salaire?» A ce propos, M. Lahouali, président du bureau d'Oran dira: «L'organisation nationale des non-voyants milite pour l'insertion sociale des aveugles et des dispositions devraient être prises pour que les universités soient adaptées pour accueillir des non-voyants. Les centres de formation devraient augmenter les spécialités qui pourraient leur être réservées. Les autorités concernées devraient, quant à elles, arrêter la politique de l'autruche, retrousser les manches et prendre les choses en main, car comme dit le proverbe, «Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.»