Au nombre de 120 000 individus, les aveugles ne sont pas à ce jour reconnus en tant que handicapés. Ils réclament de ce fait un statut de travail et un minimum de considération de la part des autorités. Les ateliers de fabrication de balais et de brosses — les seules unités publiques qui leur offraient du travail — ont été fermés, les poussant au chômage. Un point dénoncé par Abderrahmani Saïd, responsable au sein de l'Organisation nationale des aveugles algériens, qui accuse le ministère de la Solidarité nationale d'avoir léser cette catégorie de personnes, classant la cécité parmi les maladies chroniques. C'est ce qu'a confirmé Mme Flora Boubergout, présidente de l'association des handicapés El Baraka : «Les aveugles en Algérie sont marginalisés par la société et les autorités. Ces personnes doivent être considérées comme des handicapés à part entière, car elles sont dépourvues d'un sens qui les empêche de vivre normalement comme tout autre invalide. Il faut leur attribuer des moyens adaptés à leur statut. Comment voulez-vous que ces gens vivent normalement dans une société qui ne leur offre ni un environnement adapté à leur invalidité, ni un travail qui réponde à leurs attentes, ni même une pension comme les autres handicapés, estimée à 4000 DA ?» Le ministère du Commerce est également pointé du doigt par M. Abderrahmani, qu'il accuse d'être à la source de la mise au chômage des jeunes aveugles, en permettant à des particuliers d'investir dans la branche de production de balais et de brosses, activité dévolue depuis les années 1990 aux personnes touchées par la cécité. Une situation qui a amené ces unités de production à baisser rideau.A ce propos, Mme Boubergout estime qu'un aveugle peut exercer tout autre métier que celui de fabricant de balais ou de standardiste.«Je n'ai rien contre les métiers d'artisanat, mais je suis persuadée qu'il y a beaucoup de jeunes aveugles qui ont de grandes ambitions professionnelles. Nombreux sont les étudiants aveugles qui mettent fin à leur cursus faute de moyens adéquats. Les quelques qui ont émergé et sont devenus avocats ou architectes ont été en général formés à l'étranger», a-t-elle expliqué. Comme tout autre candidat à l'emploi, l'aveugle doit être recruté selon sa qualification. «Il faut que l'aveugle ait son mot à dire à propos de sa carrière. Jusqu'à présent, il a subi et s'est tu, laissant les autres décider pour lui. Ce qui est en fait très triste pour lui», conclut-elle.