Au pays des 200.000 victimes du terrorisme, on supporte très mal que la France inscrive l'Algérie sur «une liste de pays à risque pour les transports aériens». Le Quai d'Orsay et Elysée, après consultation, ont apparemment convenu de calmer «le jeu» dans leurs relations avec l'Algérie, marquées par un excès de fièvre jamais atteint ces dernières années. Coup sur coup, Paris a multiplié des signaux envers Alger annonçant une réelle volonté d'apaisement. La ratification par le Parlement de l'Hexagone d'une convention de partenariat franco-algérienne, l'annonce d'un non-lieu en faveur du diplomate algérien, Mohamed Ziane Hasseni, requis par le parquet de Paris, ainsi que la décision du constructeur automobile Renault d'ériger une usine de véhicules à Alger sont les principaux signes -précurseurs- de cette volonté de dire «basta» à l'excès de passion entre les deux pays. Aussi, la France tente-t-elle de rattraper un lourd malentendu quand ses immenses intérêts économiques risquent d'être compromis dans un pays, l'Algérie, qui annonce un plan quinquennal 2010-2014 de 150 milliards de dollars. A plusieurs reprises, la France a blessé la fierté algérienne. Au pays des 200.000 victimes du terrorisme, on supporte en effet très mal que la France inscrive l'Algérie sur «une liste de pays à risque pour les transports aériens». «Comment l'Algérie peut-elle être parmi les pays qui luttent contre le phénomène du terrorisme et dans le même temps figurer sur la liste des pays dont les ressortissants sont soumis à des mesures de contrôle spécifiques?», a protesté le président de l'APN, Abdelaziz Ziari. Cela sans citer «l'affaire» des moines de Tibhirine relancée par les affabulations d'un général français. Mais la détérioration des rapports entre les deux pays, a été en fait entamée depuis l'affaire du diplomate Hasseni, interpellé en France en 2008 et placé sous contrôle judiciaire dans l'enquête sur l'assassinat de l'avocat Ali Mecili en 1987 à Paris. Cette affaire a été une véritable épine dans les relations entre Alger et Paris. Pour rappel, les analyses graphologiques se sont révélées négatives de même d'ailleurs que les tests ADN. Les avatars de l'histoire L'innocence de M.Hasseni est de ce fait alors évidente, cependant, le et les juges ont pris, il y a une année, la décision d'alléger le contrôle judiciaire qui lui était imposé. Depuis, c'est le statu quo et les relations évoluaient alors au gré des humeurs et des déclarations des politiques. La visite du Président Bouteflika à Paris annoncée à plusieurs reprises a été renvoyée aux calendes grecques de même que l'arrivée du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner a été annulée pour des raisons qui demeurent floues. La tension est montée d'un cran depuis ces dernières semaines quand le Parlement algérien a décidé de passer à l'action. L'APN a déposé une proposition de loi pour «criminaliser» le colonialisme français, deux ans avant le 50e anniversaire de l'Indépendance en 1962. «Nous envisageons de créer des tribunaux spéciaux pour juger les responsables de crimes coloniaux ou de les poursuivre devant les tribunaux internationaux», a souligné un député FLN, Moussa Abdi, précisant que la proposition de loi avait été signée par 125 députés de différents partis. Etrange avatar de l'histoire tumultueuse entre les deux pays. Cette proposition de loi est l'exacte opposée de la loi française du 23 février 2005 vantant «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord». Une disposition abrogée un an plus tard, sous la pression de la mobilisation de la rue algérienne ainsi que de la classe politique. La loi a été condamnée par le Président Bouteflika et qualifiée de «loi de la honte» par des parlementaires algériens. Cinq ans après, l'histoire se répète, à rôles inversés. C'est au tour des Français de «regretter» la proposition de loi algérienne. La classe politique française semble désarçonnée face à cette proposition de loi du Parlement algérien. Hier, à l'occasion de la ratification d'une convention de partenariat franco-algérienne, le projet de loi algérien avait dominé les débats passionnés au sein de l'Assemblée nationale française. «Nous avons été plus que troublés par la prise de position inacceptable de députés algériens», s'est indigné le député Jacques Remiller (UMP, majorité de droite), tout en estimant que «cet énième soubresaut de l'Histoire ne doit pas entacher sur le fond la volonté commune de travailler ensemble». Renault revient aux bons sensiments Le socialiste Bernard Derosier a, lui aussi, espéré que le gouvernement français ait «la sagesse de ne pas écouter les ultras» qui réclamaient le report de la ratification.La veille, Thierry Mariani, un député proche de Nicolas Sarkozy, avait réclamé le report de cette ratification. Mais finalement, les députés ont ratifié le texte donnant un signe d'apaisement des relations déjà sufisament tendues. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants, a qualifié la proposition de loi algérienne de «particulièrement inquiétante», «incompréhensible» et «outrancière».C'est le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner qui tente de tempérer les ardeurs de ses confrères du gouvernement. M.Kouchner a estimé qu'il était prématuré de réagir à un projet de loi qui «n'est encore qu'en phase de conception et qui ne fait l'objet d'aucun soutien de la part des Algériens». «Il faut traiter avec sérieux le problème du dialogue et de la mémoire», a-t-il dit. Ainsi, il a taclé M. le ministre de l'Immigration, Eric Besson, qui s'est empressé de regretter cette proposition du Parlement algérien. A ce puzzle d'apaisement, il convient de rajouter le constructeur Renault qui a décidé enfin, de revenir à de meilleurs sentiments. Vraisemblablement, sur injonction de l'Elysée, Renault ébauche enfin la possibilité de construire une usine de montage de véhicules en Algérie. L'information est rapportée par le journal français Le Monde dans son édition d'aujourd'hui, 10 février. Renault devrait bientôt annoncer la construction, en Algérie, d'un site de production de 50.000 véhicules par an, cite le quotidien français. Ce dernier évoque une source proche du dossier qui précise que l'investissement financier dans ce projet «dépassera plusieurs dizaines de millions d'euros». L'usine sera installée à Rouiba, dans la banlieue d'Alger, et assemblera trois modèles de véhicules: la Logan, la Sandero et la Symbol, selon Le Monde. Dans ce partenariat annoncé, l'on ajoute que la Snvi (Société nationale des véhicules industriels) aura les 51% de parts. Qu'est-ce qui a donc fondamentalement changé dans l'attitude de ce constructeur français qui a boudé l'Algérie et a préféré produire sa Logan au Maroc depuis 2005? En fait, des éléments de réponse sont d'ores et déjà donnés. Ils font ressortir que ce pari permettra à Renault de sauvegarder un marché qui lui est très profitable, à savoir le marché algérien où il a écoulé plus de 17.000 Dacia Logan en 2009.