Préoccupations, aspirations et rêves de la société algérienne sont abordés avec humour et satire à travers les personnages désespérés et déçus de la pièce de théâtre "Le gourbi ya mon ami" de Ziani-Chérif Ayad, présentée mercredi au Palais de la Culture Moufdi-Zakaria d'Alger. La scène se déroule dans un café maure d'antan nommé "Café du bonheur", géré par Kader, un type coléreux et nostalgique du passé ayant pour références l'éducation de son père. Un "débat" spontané et improvisé est vite lancé entre le propriétaire du café et Alilou, un jeune dont l'unique rêve est d'atteindre l'autre rive de la Méditerranée, un chansonnier fidèle à son costume noir et cravate papillon et un client pathétique et exubérant. Le client, interprété par le co-auteur du texte de la pièce Lamri Kaouane, s'impose dans la discussion par ses répliques exprimant à la fois un flagrant pessimisme et un remarquable réalisme. Habillé en "Shanghai" bleu, tenue typique des Algérois, et portant des lunettes de soleil, ce client vit dans une tente car sinistré d'un séisme. Il espère, rêve et prie depuis près d'une dizaine d'années pour être relogé un jour. Il raconte aux autres ses déboires nés de la bureaucratie et autres contraintes administratives avec ironie même si toutefois sa mine dégage de l'écœurement. Dans un jeu souple et en contact direct avec le public qui entourait la scène donnant l'apparence de vrais clients d'un café maure, les protagonistes s'échangeaient les vues sur tel ou tel problème social, notamment, la crise de logement et le chômage. Entrecoupés de chansons humoristiques puisées du répertoire des anciens comédiens algériens comme Rachid Ksentini, Mohamed Touri ou Sid Ali Fernandel et interprétés par le chanteur d'Andalou Noureddine Saoudi dans la peau du chansonnier, Alilou, Kader et le client ont évoqué quelque situations administratives qui virent vers l'absurde mais bel et bien réelles. Chacun tente d'expliquer ou plutôt de justifier, à travers des anecdotes et d'une manière métaphorique, le désespoir qui l'habite. "Le gourbi ya mon ami" est une pièce de théâtre inscrite au programme baptisé "Café du bonheur" de la compagnie ""Gosto-théâtre", fondée en 2005 par Ziani-Chérif Ayad. Ce programme comprend deux autres pièces ""L'agence de là-bas" et "Rana h'na", prévues prochainement. Ziani-Chérif Ayad, dramaturge établi en France, est l'un des pionniers du théâtre algérien des années 80-90. Il a mis en scène durant cette période plusieurs pièces de théâtre à succès, dont "Galou laârab galou, (1983)", "Les martyrs reviennent cette semaine, (1987)" et "Elayta, (1991)". Actuellement, il tente à travers la compagnie "Gosto-théâtre" de réconcilier le public avec son propre patrimoine et son besoin d'ouverture sur l'universel en s'inspirant des textes de grands noms du 4e art algérien.