TIPASA - Les Cherchellois sont nostalgiques du ramadhan d'antan où les repas dans chaque famille se distinguaient par des préparations culinaires propres. Les incontournables mets du ramadhan qu'étaient la "douida", une soupe préparée à base de petites vermicelles confectionnées à la main ainsi que la "mkirna", un plat composé de viande hachée et de pâtes faites également à la main, font partie du "passé", a regretté, à cet égard, Khalti Zhira, déplorant en ce sens ce "manque" d'imagination des familles algériennes qui se sont toutes mises à la classique chorba frik ou hrira. Les préparatifs de ce mois, selon elle, étaient un cérémonial auquel nulle famille n'échappait puisqu'il était, à l'époque de bon ton de se réunir entre femmes (membres de la famille, des cousines ou des voisines) pour s'adonner à la préparation de la "douida" ou de la "mkirna", que l'on préparait quelques jours avant le ramdhan, séchait et rangeait dans des sacs en jute, prêtes à l'emploi. Ces vieilles coutumes (suivies par des opérations de nettoyage des demeures) sont en train de disparaître au fil des ans. Il reste cependant quelques familles, dont les générations se transmettent ce savoir-faire et veillent à perpétuer ces habitudes culinaires, refusant de sombrer dans l'uniformisation en adoptant le classique menu chorba Frik ou Hrira avec bourek. Du haut de ces 86 ans, cette vieille dame, qui garde bon pied bon œil puisqu'elle continue à veiller elle-même sur ses marmites, déplore que la nouvelle génération cherche la facilité en se contentant d'aller acheter sur le marché leurs pâtes déjà prêtes sans se soucier de leur goût et encore moins de leur qualité. Le marché, une place centrale dans la vie de la cité De son coté Ammi Madjid, se souvient du ramadhan à Cherchell où le marché couvert faisait office de place centrale dans la vie de la cité, avec des commerçants qui rivalisaient dans la décoration de leurs étals où le jasmin régnait en maître. Même les poissonniers, a-t-il dit, ne dérogeaient pas à la tradition en entourant leurs casiers de poissons de différentes plantes et herbes aromatiques et odorantes qui exhalaient leurs parfums au grand plaisir des clients. Les Cherchellois avaient la réputation d'être très vulnérables pendant le ramadhan et certains habitants des villes environnantes n'hésitaient pas à venir s'approvisionner rien que pour le plaisir de voir ronchonner des commerçants dont la réputation (de perdre le contrôle très vite surtout quand un client demande le prix sans acheter) était avérée. Ammi Madjid a estimé que c'était la "belle époque" où les gens se connaissaient bien pour se permettre des parties de rigolade, en précisant que le moment le plus heureux pour ces "râleurs" se situe à quelques minutes de la rupture du jeûne où on se répète inlassablement ça y est "rana kharkharnah", autrement dit nous l'avons vaincu tout en passant le temps à aller faire de petites emplettes, histoire de faire passer le temps. Mais hélas, les temps ont bien changé pour ammi Madjid qui se dit "agacé" par les ruelles grouillantes de monde, par les détritus qui jonchent les sols et surtout par ces commerçants "grincheux" et "agressifs", dont l'unique souci est de se remplir les poches. Les soirées ponctuées de jeux de "boqala" et autres visites familiales et "gaadates" autour d'un orchestre de musique andalouse sont les autres facettes du ramadhan d'antan pour toutes les personnes interrogées en ce début du mois sacré.