BATNA - Echanger entre familles des gâteaux faits maison à l'occasion de la fête de Aïd El-fitr reste encore une tradition solidement ancrée dans les Aurès. En plus des incontournables "aïdiya" (menue monnaie donnée aux petits enfants) et des visites aux proches, la pratique consistant à réserver aux membres de la famille une partie des pâtisseries de la fête, aussi modestes soient-elles, revêt un caractère sacro-saint. Toutes les mères de familles s'attachent, la veille de cette fête, à concocter de multiples sortes de gâteaux. Outre l'inévitable Makroudh, certaines tentent aujourd'hui d'innover en présentant à cette occasion des friandises ''exotiques'', question de faire valoir leurs talents d'habiles pâtissières. Zahia T., femme au foyer, rappelle qu'échanger des assiettes de petits gâteaux, la matinée de l'Aïd, est "une habitude héritée de (nos) mères qui étaient fières de montrer, en ce jour de fête, leur talent pour préparer les plus savoureuses gourmandises". présenter de nouveaux gâteaux. Aujourd'hui, ajoute-t-elle, "je tiens, comme toutes les autres femmes, à présenter à mes proches de nouveaux gâteaux, excepté le Makroudh qui reste pour ainsi dire obligatoire". Pour cela, elle affirme "suivre assidûment les émissions de cuisine présentées à la télévision" et "acheter constamment les nouveaux ouvrages et CD de pâtisserie mis en vente dans les librairies". Pour Khadidja B., rencontrée la veille de l'Aïd dans un magasin de produits pour pâtisserie, au centre-ville de Batna, les gâteaux de l'Aïd sont devenus "une véritable manie" pour un grand nombre de femme qui instaurent à domicile, dès que pointe à l'horizon la fin du Ramadhan, une sorte de "branle bas de combat" pour s'acquitter au mieux de cette tâche. Il reste que la flambée des prix des noix et des amandes, cette année, a contraint beaucoup de ménagères à faire dans l'économie. C'est le cas de Aïcha qui affirme avoir réduit ''au strict minimum'' les quantités achetées, histoire de préparer les mêmes gâteaux auxquels elle a habitué les siens qui "devront, cette fois-ci, se contenter de goûter seulement". Assiettes ''jetables'' Outre l'attention apportée au choix des divers ingrédients, nombre de femmes accordent désormais une importance accrue à la présentation de leurs gourmandises et ne lésinent pas sur les moyens pour s'offrir des assiettes ''jetables'' les mieux décorées et des boîtes pour gâteaux joliment colorées. La demande sur ces accessoires va d'ailleurs crescendo d'une année à l'autre, assure un vendeur de produits de pâtisserie établi au centre-ville près du marché populaire Errahba. L'assiette de gâteaux donnée en cadeau à une proche ou à une voisine doit être "spéciale", affirme Djemaâ B., une septuagénaire qui se rappelle que sa mère envoyait ses gâteaux dans les assiettes les plus belles de la vaisselle de maison. "A 70 ans, je continue d'honorer cette tradition en envoyant à mes petites-filles et à mes voisines, dès les premières heures de la matinée de l'Aïd, leur qasma (part)". "Pour nos aïeules, ajoute cette vieille dame, l'Aïd Es-Seghir (littéralement la petite fête), est une fête où l'on met en valeur les pâtisseries et les habits tout neufs, alors que l'Aïd el-Kebir (la grande fête) est réservé au seul sacrifice du mouton". Le spectacle attendrissant d'enfants sillonnant les rues et les ruelles de la capitale des Aurès, en ce mardi de fête, serrant entre leurs mains des assiettes de gâteaux soigneusement recouvertes, confirme l'ancrage social de cette habitude qui ne semble pas prête de s'estomper.