ALGER - Le patrimoine archéologique en Algérie nécessite la mise en place d'un système de sécurisation "consistant" et "moderne" capable de contrecarrer le pillage et la vente illicite de pièces archéologiques, deux phénomènes qui perdurent malgré l'existence d'un véritable arsenal juridique sur la protection des biens culturels mobiliers et immobiliers. Le renforcement du dispositif sécuritaire au niveau des musées et des quelque cinq cents (500) sites archéologiques connus à travers le territoire national, pour lutter contre le vol et le trafic des pièces archéologiques, a été souligné à maintes reprises, notamment lors du mois du patrimoine (18 avril-18 mai). Des efforts sont déployés par les autorités publiques pour la protection des parcs et sites archéologiques dont la mise en place, depuis 2005, de cellules de la Gendarmerie nationale chargées de la protection du patrimoine culturel et historique dans sept wilayas, et les projets d'installation d'une vingtaine de postes de contrôle dans les parcs du Tassili et du Hoggar, lancés en 2010. Grâce à ce dispositif sécuritaire, plus de 85.400 objets classés patrimoine national, volés des musées ou des sites archéologiques dans l'est et le sud de l'Algérie notamment, ont pu être récupérés depuis 2005 selon un bilan de la direction de la sécurisation des biens culturels du ministère de la Culture. Les fouilles clandestines, le pillage et la vente illicite des pièces archéologiques faisant partie des biens culturels protégés par l'Etat, "résistent" à tout ce dispositif sécuritaire mis en place, d'où la nécessité d'adopter un système sécuritaire plus efficace, suggèrent des observateurs. Pour le directeur général de l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés en Algérie, Abdelouahab Zekagh, "les sites archéologiques, dans leur majorité, ne sont gardés ni de jour ni de nuit", alors que leur surveillance nécessite, à son avis, toute une batterie de moyens (gardiens, clôtures, éclairage, moyens de télédétection, caméras, maîtres-chiens...). Selon lui, c'est dans l'est du pays que le phénomène du pillage d'objets archéologiques est le plus visible, notamment dans les wilayas de Souk Ahras, Tébessa, Guelma, et d'autres zones limitrophes de la Tunisie. Observant que beaucoup de biens archéologiques "ne sont pas inventoriés" et que seulement 20 à 30 % de la totalité de ce patrimoine est connu, le reste étant encore enterré, M. Zekagh trouve absolument nécessaire l'établissement d'un inventaire national de tous les biens culturels mobiliers et immobiliers, y compris pour donner le droit à l'Etat algérien de réclamer les objets expatriés. Les trafiquants jamais en panne de subterfuges De son côté, le directeur de la protection légale des biens culturels et de la valorisation du patrimoine culturel au ministère de la Culture, Mourad Betrouni, affirme que la mise en place, durant la période 2003-2007, de textes juridiques relatifs aux biens culturels mobiliers et immobiliers ont assuré une "meilleure protection" des objets archéologiques classés patrimoine national du pillage et de vente illicite. Mais pour lui, les textes d'application devraient être actualisés et sans cesse adaptés car les trafiquants de pièces archéologiques "trouvent toujours des subterfuges". Ce responsable se félicite que l'arsenal juridique actuel incriminant tout trafic de biens culturels soit doté d'un "ancrage réel et physique" d'intervention sur le terrain, contrairement au passé, et assure que les nouvelles lois prévoient beaucoup de sanctions, même si leur application concerne d'autres départements et secteurs partenaires, tels que les corps constitués (Douanes, Gendarmerie, Sûreté nationale). Soulignant que l'est et le sud de l'Algérie sont les régions les "plus vulnérables" en termes de trafics de pièces archéologiques, M. Betrouni tient à préciser que les lois en vigueur stipulent des cycles de formation pour les éléments de la Gendarmerie nationale, de la police judiciaire et de la police des frontières. Ces sessions de formation ont permis une plus grande surveillance des sites et parcs archéologiques et des sanctions contre les réseaux de trafiquants et de pilleurs, affirme-t-il. Il met en avant, par ailleurs, l'importance d'une vigilance de tous les instants s'agissant de l'Internet car, selon lui, un marché virtuel, dans lequel des pièces archéologiques sont en vente, est "en train de se constituer". Selon M. Betrouni, le pillage des objets archéologiques est un phénomène présent uniquement au niveau des sites et parcs à ciel ouvert dans lesquels des "chercheurs particuliers" procèdent à des fouilles clandestinement, a-t-il assuré. Le trafic des biens culturels, considéré comme un "crime organisé", a besoin d'une vigilance permanente de la part des parties concernées et nécessite une mobilisation multisectorielle pour lutter contre ce crime d'autant moins admissible qu'il touche à la mémoire collective. Plus de 85.400 objets archéologiques récupérés depuis 2005 en Algérie Plus de 85.400 objets classés patrimoine national, volés des musées ou des sites archéologiques dans l'est et le sud algérien notamment, ont été récupérés depuis 2005, a-t-on appris auprès du ministère de la Culture. Pièces de monnaies, bijoux antiques en or et argent (bagues, bracelets, médailles, etc), objets en verre, bronze, ivoire, figurines en terre cuite, lampes, tasses ainsi que des fragments divers datant des différentes périodes de l'histoire, forment l'ensemble des objets archéologiques récupérés, selon un bilan établi par la direction de la sécurisation des biens culturels du ministère. Le plus grand nombre de pièces archéologiques a été récupéré dans la wilaya d'Oum El Bouaghi (6.900 objets), suivi de Mila (4.352 objets), Guelma (854 objets), Skikda (721 objets), Ouargla (555 objets) et Constantine (516 objets). Par ailleurs, 1.828 pièces archéologiques de la région de Mila et 101 autres d'Annaba, en vente illégale sur des sites Internet, ont été repérées et récupérées depuis 2009. Les contrebandiers, organisés en réseaux, ont été arrêtés et présentés à la justice, relève la même source. Il s'agit de pièces de monnaie en bronze de l'époque numide et punique, de bijoux antiques et d'objets divers en métal et en terre cuite datant de la préhistoire que ces contrebandiers détenaient dans des dépôts et garages privés. Depuis 2011, 307 pièces de monnaies et 32 pièces archéologiques, tessons de céramique et lampes, notamment, ont été récupérées dans les wilayas de Tébessa, Ouargla, Guelma, Alger, Laghouat, Batna et Annaba. La totalité des pièces ont été sauvées du pillage grâce aux cellules de la Gendarmerie, chargées de la protection du patrimoine culturel et historique et installées depuis 2005 à Constantine, Oran, Ouargla, Tamanrasset, Tipasa, Adrar et Souk Ahras, des wilayas riches en sites et monuments archéologiques. Spécialement formés les éléments de ces cellules qui interviennent dans le cadre de la loi de 1998 interdisant la détention, la possession et la commercialisation de pièces archéologiques ou d'objets d'art, ont, également, pour mission de lutter contre la contrebande, le pillage et les fouilles illégales dans les sites. Une fois récupérées, les pièces sont classées par périodes historiques, avant d'être restituées aux musées de leur région d'origine.