Selon un bilan de la direction de la sécurisation des biens culturels du ministère de la Culture, plus de 85 400 objets classés patrimoine national volés au niveau des musées et sites archéologiques dans l'est et le sud de l'Algérie notamment, ont pu être récupérés depuis 2005. Cela a pu se faire grâce au dispositif sécuritaire mis en place par les autorités publiques au niveau des musées et des quelque 500 sites archéologiques disséminés à travers tout le territoire national. Toutefois, malgré cette vigilance accrue des services de protection du patrimoine, plus particulièrement des cellules de protection de la Gendarmerie nationale, déjà opérationnelles au niveau de sept wilayas, le patrimoine archéologique national continue à faire l'objet de pillages de la part de personnes sans foi ni loi, qui n'hésitent pas à voler des objets figurant sur la liste du patrimoine national ou mondial pour les revendre à des prix astronomiques à des collectionneurs de tout acabit. Toutefois, en dépit des unités de surveillance et malgré un arsenal juridique sur la protection des biens culturels mobiliers et immobiliers, des fouilles clandestines et des pillages continuent à menacer ce patrimoine, d'où la nécessité d' «adopter un système sécuritaire plus efficac », suggèrent des observateurs. Pour le directeur général de l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés en Algérie, Abdelouahab Zekagh, «les sites archéologiques, dans leur majorité, ne sont gardés ni de jour ni de nuit », alors que leur surveillance nécessite, à son avis, toute une batterie de moyens (gardiens, clôtures, éclairage, moyens de télédétection, caméras, maîtres-chiens...). Selon lui, c'est dans l'est du pays que le phénomène du pillage d'objets archéologiques est le plus visible, notamment dans les wilayas de Souk Ahras, Tébessa, Guelma, et d'autres zones limitrophes de la Tunisie. Tout en faisant remarquer que beaucoup de biens archéologiques «ne sont pas inventoriés» et que seulement 20% à 30% de la totalité de ce patrimoine est connu, le reste étant encore enterré, M. Zekagh estime urgent l'établissement d'un inventaire national de tous les biens culturels mobiliers et immo- biliers, y compris pour donner le droit à l'Etat algérien de réclamer les objets expatriés. Pour Mourad Betrouni, directeur de la protection légale des biens culturels et de la valorisation du patrimoine culturel au ministère de la Culture, «la mise en place, durant la période 2003-2007, de textes juridiques relatifs aux biens culturels mobiliers et immobiliers a assuré une meilleure protection des objets archéologiques classés patrimoine national du pillage et de vente illicite ». Cependant, les textes d'application devraient être actualisés et sans cesse adaptés car les trafiquants de pièces archéologiques «trouvent toujours des subterfuges». Bien que M. Betrouni se félicite que «l'arsenal juridique actuel incriminant tout trafic de biens culturels soit doté d'un ancrage réel et physique d'intervention sur le terrain, contrairement au passé», il assure aussi que les nouvelles lois prévoient beaucoup de sanctions, même si leur application concerne d'autres départements et secteurs partenaires, tels que les corps constitués (Douanes, Gendarmerie, Sûreté nationale). Soulignant que l'est et le sud de l'Algérie sont les régions les « plus vulnérables » en termes de trafics de pièces archéologiques, M. Betrou-ni tient à préciser que les lois en vigueur stipulent des cycles de formation pour les éléments de la Gendarmerie nationale, de la police judiciaire et de la police des frontières. Pour cet intervenant, « ces sessions de formation ont permis une plus grande surveillance des sites et parcs archéologiques et des sanctions contre les réseaux de trafiquants et de pilleurs» et d'ajouter en mettant l'accent sur «l'importance d'une vigilance de tous les instants s'agissant de l'internet car, selon lui, un marché virtuel, dans lequel des pièces archéologiques sont en vente, est en train de se constituer». M. Betrouni terminera en indiquant que le pillage des objets archéologiques est un phénomène présent uniquement au niveau des sites et parcs à ciel ouvert dans lesquels des « chercheurs particuliers procèdent à des fouilles clandestinement ». Au moment où l'Unesco célèbre le 40e anniversaire de la Convention de 1970 pour la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, il y a lieu de rappeler que ce phénomène mondial considéré comme « un crime organisé », exige la vigilance de tous afin d'y mettre un terme car il y va de la pérennité de la mémoire collective et séculaire.