L'offensive de l'Armée de libération nationale (ALN) dans le Nord-Constantinois, le 20 août 1955, en brisant le siège qui menaçait d'étrangler la Révolution du 1er novembre 1954 dans les Aurès, a donné lieu à une véritable mobilisation de jeunes algériens, raconte à l'APS Aziz Benamor, dit El Chatt (76 ans). Une grande mobilisation à laquelle ont répondu de très nombreux jeunes qui sont devenus des Moudjahidine en armes, après avoir pris part à l'offensive. C'est le cas de Aziz El Chatt, né le 12 janvier 1936 à Skikda. Il avait 19 ans lorsqu'il a pris part à l'attaque du 20 août 1955, un jour qu'il qualifie de "mémorable" et de "déterminant" car il a marqué le début de son enrôlement dans les rangs de l'ALN où il servit jusqu'à l'indépendance. Des préparatifs effectués dans le secret absolu Aziz El Chatt précise qu'il avait rejoint les rangs de l'ALN le 15 août 1955. L'on parlait alors vaguement de soulèvement en perspective. A cette époque, il venait de recevoir l'ordre d'appel pour accomplir le service militaire dans les rangs de l'armée française. Mais son choix était déjà fait : il allait effectivement s'enrôler, mais dans les rangs de l'armée de libération nationale. Quelques jours avant le 20 août 1955, Aziz El Chatt avait pris contact avec son cousin qui était au maquis, afin que ce dernier l'aide à régler les détails de son incorporation parmi les combattants de l'indépendance. Vers le 10 août 1955, l'armée coloniale a lancé un vaste ratissage dans la région de Balou sur la route de Jeanne d'Arc (aujourd'hui Labri Ben M'hidi), où de nombreux civils ont été arrêtés pour "soutien à la rébellion". El Chatt avait alors réussi à échapper aux soldats qui fouillaient toute la région, pour rejoindre les groupes de moudjahidine, le 15 août 1955. Le 20 août 1955 : baptême de feu du Moudjahid Aziz El Chatt Le groupe d'affectation du Moudjahid Aziz El Chatt était composé de 12 combattants encadrés par les Moudjahidine Alloua Akelmi, Salah Bouzeghaïa, Mohamed Bekkouche dit El Kachiche et Dahmane Boudraya. Ils avaient pour mission d'attaquer l'aérodrome de Skikda. Le groupe s'est posté au cœur de vergers d'orangers, non loin de l'aérodrome, en attendant 12 h précises pour lancer l'offensive, mais quelques instants avant le moment prévu, El Chatt et ses compagnons entendirent des coups de feu en provenance de Skikda. L'attaque fut aussitôt lancée contre l'aérodrome, mais les petits avions qui étaient sur la piste avaient décollé comme si l'ennemi a été informé que quelque chose allait se produire, se souvient ce témoin. Le groupe de Moudjahidine avait fait exploser une bombe, tout en attaquant les sentinelles à l'arme de guerre, tuant un premier soldat, puis quelques autres. El Chatt se souvient que le repli avait été extrêmement ardu, il avait réussi néanmoins à se dégager en compagnie du Moudjahid Sassi Saadi en empruntant un chemin par Oued Safsaf. Ce n'est que plusieurs minutes après qu'ils se rendirent compte que trois Moudjahidine étaient tombés au cours de cette opération : Salah Bouzeghaïa, Kachiche et un troisième dont ce même témoin ne se souvient pas du nom. Tous les trois avaient été touchés par les tirs d'un hélicoptère. C'est dans la zone d'El Alia que les groupes du 20 août 1955 devaient se retrouver après l'offensive. C'est d'ailleurs dans cette zone que demeura El Chatt jusqu'en 1957, activant notamment comme convoyeur des patrouilles chargées d'acheminer l'armement. El Chatt allait ensuite se rendre dans les Aurès où il séjourna neuf mois durant lesquels il pris part à plusieurs combats, avant de retrouver la région de Skikda jusqu'à l'indépendance. Peu avant midi, l'attaque Le 20 août 1955 était un samedi, le début du week-end, jour de marché à Skikda, fréquenté par un grand nombre de colons. Dans le port un navire accoste pour débarquer des voyageurs en provenance de Marseille, tandis que dans les casernes, les sentinelles se relaient. L'attaque a eu lieu peu avant midi. L'enjeu était important, il fallait donner une réponse cinglante à la propagande colonialiste qui prétendait que les Moudjahidine n'étaient qu'une poignée de "coupeurs de routes" qui agissaient de nuit. La ville de Skikda venait d'être encerclée, toutes les issues étaient bouclées. "Ce devint une ville fantôme, les militaires tuaient sans retenue, en tirant sur tout ce qui bouge". 20 août 1955 : les terribles représailles Une semaine durant, les représailles allaient se poursuivre, ciblant surtout les civils dont un grand nombre allait être arrêtés. Pendant ce temps, l'on brûlait des dizaines de mechtas en installant, partout dans les campagnes et les villages, la terreur. Une terreur imposée par des soldats appuyés par les milices européennes. Ce fut ensuite le massacre à grande échelle, organisé au stade de Skikda, se souvient Aziz Benamor alias El Chatt. Des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards y furent parqués. 12.000 martyrs ont été dénombrés le 20 août 1955, victimes de représailles qui allaient donner une autre tournure à la guerre d'indépendance de l'Algérie.