Le sommet des dirigeants de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'est ouvert dimanche à Abuja, pour trancher sur un plan d'intervention militaire au Mali préparé par les chefs d'état-major de l'organisation. Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, représente le président de la République, Abdelaziz Bouteflika à ce sommet extraordinaire. M. Messahel est porteur de messages écrits du président Bouteflika à ses homologues de Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara, président en exercice de la CEDEAO, et du Nigeria Goodluck Jonathan. La réunion d'Abuja se tient après l'approbation, mardi dernier à Bamako, par les chefs d'état-major de la CEDEAO du "concept d'opération" de la force internationale pour le Mali. Dans une résolution adoptée le 12 octobre, le Conseil de sécurité de l'ONU avait donné 45 jours à la CEDEAO pour mettre au point un plan militaire visant à libérer le nord du Mali, occupé depuis sept mois par des groupes armés. Le sommet d'Abuja devra se prononcer sur un plan en discussion à huis clos dans la capitale nigériane depuis vendredi par les ministres des Affaires étrangères et de la défense du regroupement régional. Ce plan sera transmis avant le 15 novembre en cours, via l'Union africaine, au Conseil de sécurité qui avait donné 45 jours à la CEDEAO pour préciser ses plans de reconquête du nord du Mali. Le plan soumis à examen "établi que l'armée malienne effectue des opérations militaires sur le terrain et que la participation étrangère se limitera au soutien aérien et logistique", selon des sources militaires maliennes. Mais l'idée d'envoyer des troupes dans le nord du Mali est loin de faire l'unanimité au sein de la communauté internationale. Nombre d'observateurs et de pays craignent que cette intervention ne transforme ce pays, à l'économie fragile, en une source d'instabilité pour l'ensemble de la région. Depuis le début de la crise déclenchée par un coup d'Etat militaire le 22 mars contre le président Amadou Toumani Touré, suivi de la prise de contrôle du nord du pays par les groupes armés, l'Algérie à toujours prôné le dialogue pour débloquer la situation. Alger a souligné à plusieurs reprises que la solution à la crise devait venir des Maliens eux-mêmes, les seuls habilités à décider de l'avenir de leur pays. L'intervention militaire au Mali est "inutile dans la conjoncture actuelle", a affirmé le conseiller à la présidence de la République, Kamel Rezzag Bara, qui a souligné samedi sur les ondes de la radio nationale que l'internationalisation de cette question ne fera qu'"aggraver la situation". M. Bara a insisté sur le fait qu'il était "nécessaire d'aboutir à un accord acceptable pour éviter le débordement de la crise malienne au-delà des frontières", soulignant la nécessité d'"aider ce pays à élaborer une feuille de route en accord avec tous les acteurs à Bamako pour sortir de la crise politique". Il a estimé en outre que la communauté internationale doit faire la distinction, à l'instar des pays du champ, entre les groupes ayant des revendications politiques et avec lesquels on peut négocier et les groupes terroristes auxquels il faut faire face par des moyens de lutte antiterroriste et non pas par des moyens d'intervention. La position algérienne est partagée par le président tunisien, Moncef Marzouki, qui a affirmé dans un entretien au quotidien Liberté paru dimanche à Alger que l'intervention militaire au Mali ne devait être envisagée qu'en "dernier et ultime recours". "Nous partageons la position de l'Algérie et l'intervention militaire ne doit être envisagée qu'en dernier et ultime recours", a-t-il souligné. Le sommet de la communauté de l'Afrique de l'Ouest intervient alors que Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) a déclaré son soutien à la voie du dialogue pour une solution politique à la crise au Mali, tout en mettant en garde contre toute intervention militaire dans le nord du pays qui "pourrait embraser la région tout entière". Le coordinateur de l'action diplomatique du MNLA, Mossa Ag Attaher, a indiqué samedi au quotidien algérien l'Expression que le MNLA était d'accord avec l'approche algérienne et celle de la CEDEAO en faveur d'une solution politique négociée pour une sortie de crise au Mali, précisant que son mouvement avait saisi le Secrétaire général de l'ONU, Ban ki-Moon, pour l'informer qu'il était "partie prenante" dans d'éventuelles négociations sur le "règlement de la crise dans l'Azawad". Abondant dans le même sens, le mouvement "Ansar Eddine", un des groupes du Nord Mali, a affirmé son soutien au dialogue et sa participation aux négociations pour la paix au Mali, annonçant son rejet de "toute forme d'extrémisme et de terrorisme" et soutenant la lutte contre le crime transfrontalier. Le mouvement a appelé les autorités transitoires maliennes et les autres groupes armés à adhérer sans retard à "un dialogue politique global", s'engageant à cesser les actions militaires et appelant tous les mouvements armés à "faire de même". La crise sécuritaire qui dure depuis plusieurs mois au Mali continue d'avoir de graves répercussions sur le plan humanitaire. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a indiqué jeudi dernier que quelque 500.000 personnes vivent dans une situation tragique dans le nord malien, en proie aux pénuries alimentaires. Selon les dernières estimations de l'ONU, quelque 412.401 personnes ont été contraintes à l'exode dans le nord du Mali à cause du conflit, incluant 203.843 déplacés internes, et 208.558 réfugiés dans des pays voisins comme le Niger.