La nécessité de poursuivre la France en justice pour les crimes commis, le 8 mai 1945, contre le peuple algérien a été soulignée par l'avocate Fatma Zahra Benbraham qui a estimé qu'il s'agissait là de "crimes d'état", tel que décrit dans le Traité de Rome de 1998. M. Benbraham s'est référée au Traité de Rome, de l'article 3 jusqu'à l'article14, qui classe les crimes de génocide, tel que celui commis contre les Algériens le 8 mai 1945, dans la catégorie des crimes contre l'humanité, dont les auteurs doivent être poursuivis et sanctionnés. Elle a affirmé qu'elle œuvrait, avec plusieurs avocats et des juristes français, à établir un "véritable classement juridique" des massacres commis contre le peuple algérien à l'époque, soulignant qu'il "est nécessaire d'utiliser le terme juridique approprié dans ce contexte à savoir : le génocide, considéré par le Traité de Rome comme le plus grave des crimes contre l'humanité". 8 mai 1945 : un véritable génocide et non un simple incident Mme Benbraham a insisté sur le fait qu'au 8 mai 1945, un grave crime contre l'humanité a été commis contre les Algériens : un génocide prémédité et non un simple incident comme persiste à le qualifier la France, affirmant que cette persistance constitue "un affront aux martyrs, au peuple algérien et à toute l'Algérie". "Il faut poursuivre la France en justice pour les crimes contre l'humanité commis contre des civils désarmés et pacifiques à Sétif, Guelma et Kherrata, car elle a dissimulé la vérité et n'a pas sanctionné les auteurs de ces crimes, ni en ce temps-là, ni à l'époque actuelle", a-t-elle soutenu. Le Traité de Rome prévoit "un nouveau point qui est en notre faveur : l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité", a-t-elle précisé. Cela "implique, pour nous Hommes de loi, de rechercher de nouveaux mécanismes internationaux pour relancer cette affaire de crime et poursuivre ses auteurs, car nous avons besoin aujourd'hui d'une loi internationale pour sanctionner les gouvernements et les Etats et non les personnes qui exécutent ces crimes", a-t-elle estimé. Cette question capitale exige la conjugaison des efforts des politiques et des Hommes de loi, a-t-elle dit, s'interrogeant sur "la conception limitée" de certains juristes français qui estiment qu'il est impossible de poursuivre les auteurs des crimes commis le 8 mai 1945, car ils sont décédés. La réponse des juristes algériens est "simple et claire" à ce sujet. Il faut se conformer aux textes du Traité de Rome, car, a-t-elle affirmé, "ce qui nous importe, ce n'est pas de poursuivre les exécutants de ces crimes mais le donneur d'ordre à savoir : l'Etat français". Le Traité de Rome : un document juridique important pouvant servir d'appui Mme Benbraham a insisté sur l'importance de rétablir la justice concernant les évènements du 8 mai 1945. L'affaire doit être traitée de manière similaire au jugement des nazis par les juifs, a indiqué l'avocate qui a ajouté qu'il est tout aussi important d'œuvrer à faire valoir l'idée de crime contre l'humanité pour lequel la cour pénale internationale a été établie en vertu du Traité de Rome le 17 juillet 1998. "Sur le plan juridique, le Traité de Rome revêt une grande importance, car considéré comme étant le cadre juridique qui nous permettra de poursuivre la France pour crime d'Etat contre les algériens", a fait savoir Mme Benbraham. "Comment peut-on qualifier dans le droit international les massacres commis par la France qui ont fait 45.000 morts parmi les Algériens, selon des historiens français, et près de 80.000 victimes, en référence à des documents militaires dévoilés récemment", s'est interrogée la juriste. Elle a rappelé dans ce sens que le Traité de Rome "a classé ce genre de crime comme étant des crimes de génocide dont les auteurs sont passibles de sanctions". "Etant donné que le crime existe du point de vue du droit international, il est désormais impératif de punir l'Etat français qui continue à exister en tant qu'institution à part entière", a estimé l'avocate. Un groupe de juristes algériens et français "œuvre actuellement à faire le lien entre les crimes du 8 mai 1945 et le crime d'Etat consacré par la loi du 17 juillet 1998, pour parachever l'aspect punitif, en prévision de la promulgation d'une loi qui prévoit des sanctions contre l'Etat français pour crimes de guerre en Algérie", a indiqué Mme Benbraham "Le travail continue au niveau international pour que le crime d'Etat soit reconnu par la loi et généralisé à tous les Etats qui commettent des crimes contre leurs peuples ou d'autres peuples", a indiqué Mr Benbraham. La juriste a enfin appelé les hommes politiques et intellectuels algériens à s'"unir pour rendre l'idée de crime d'Etat effective, en la soumettant, en tant que principale revendication, aux parties concernées au niveau international, en prélude à la promulgation d'une nouvelle loi en la matière". Ceci permettra, a-t-elle ajouté, de "sanctionner les Etats et gouvernements qui commettent des crimes contre l'humanité".