Les combats se poursuivaient dimanche pour le septième jour au Soudan du Sud entre l'armée et les hommes de l'ancien vice-président Riek Machar entré en rébellion, suscitant l'inquiétude du Soudan voisin et d'autres pays. Depuis le 15 décembre, un conflit armé a éclaté entre les forces du président Salva Kiir et les partisans rebelles de Machar après une tentative de coup d'Etat menée selon les autorités, par l'ancien vice-président. Les combats menacent désormais de s'étendre au reste du Soudan du Sud, déjà en proie à de vives tensions ethniques. Dans la seule capitale Juba, les combats ont fait au moins 500 morts et on compte plusieurs dizaines de milliers de personnes déplacées à travers le pays, un bilan jugé très partiel. Les troupes gouvernementales, appuyées par des hélicoptères, marchaient samedi vers la ville de Bor, à 200 km au nord de Juba, contrôlée depuis jeudi par les partisans rebelles de M. Machar. "Nous avançons sur Bor (...) il y a des combats, mais nous sommes aidés par des unités aériennes", avait déclaré le porte-parole de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), Philip Aguer. Bor est la capitale de l'Etat de Jonglei, l'une des régions les plus explosives de la jeune nation. M. Aguer a démenti des informations selon lesquelles l'armée ougandaise voisine, qui avait envoyé des troupes vendredi à Juba pour sécuriser la capitale et permettre l'évacuation de milliers de ses ressortissants, participe aux combats contre Riek Machar. Il a également souligné que l'Etat-clé d'Unité, producteur de pétrole, était sous le contrôle du gouvernement. A Juba, de nombreux habitants, "affolés" par des tirs intermittents tout au long de la nuit, prenaient d'assaut samedi la station d'autocars pour fuir la capitale. Plus de 35.000 personnes, en général de la minorité ethnique de leur zone d'habitation, se sont réfugiées dans des bases de l'ONU à travers le pays. Les rebelles au Soudan du Sud menacent notamment les champs pétroliers essentiels à l'économie du pays, au risque de provoquer une intervention militaire du Soudan voisin, très dépendant des recettes de l'or noir, préviennent des experts. La perte des champs pétroliers de l'Etat d'Unité serait une lourde défaite pour le gouvernement de Juba, alors que les sociétés pétrolières ont déjà commencé à évacuer leur personnel, comme la compagnie d'Etat chinoise China National Petroleum Corp (CNPC). Ce qui implique, dans le meilleur des cas, que la production sera fortement réduite. L'ambassadeur sud-soudanais à Khartoum a néanmoins affirmé dimanche que les flux de pétrole sud-soudanais dans les oléoducs du Soudan ne sont pas affectés par les combats au Soudan du Sud. La communauté internationale préoccupée La communauté internationale réitérait, sans grand succès, ses appels au dialogue et certains pays ont ordonné l'évacuation de leurs ressortissants. Le secrétaire général de l'ONU Ban ki-moon a demandé dimanche, depuis les Philippines où il achève une visite de deux jours, "à ce que tous les dirigeants politiques, militaires et des milices cessent les hostilités et mettent fin à la violence contre les civils". Il a appelé le président sud-soudanais, et son rival, l'ancien vice-président à "trouver une sortie politique de cette crise". L'Union africaine (UA) a "exhorté le gouvernement et les dirigeants au Soudan du Sud, ainsi que tous les acteurs concernés, à faire preuve de retenue et à éviter toute violence supplémentaire", selon la présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana Dlamini-Zuma. Pour sa part, l'Algérie a par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères Amar Belani, "regretté vivement" l'effusion de sang qui a marqué la dernière escalade des violences au Soudan du Sud, appelant les différentes parties à privilégier les moyens pacifiques pour surmonter leurs divergences politiques. Le président américain Barack Obama a de son côté exhorté samedi les dirigeants du Soudan du Sud à assurer la sécurité des militaires et ressortissants américains dans le pays, après une attaque qui a blessé quatre soldats à bord de leurs avions avec lesquels ils devaient effectuer une opération aérienne d'évacuation. Il a aussi prévenu qu'en cas de tentative de prise de pouvoir par la force au Soudan du Sud, le soutien des Etats-Unis cesserait pour cette jeune nation née en juillet 2011 de la partition du Soudan. Le président soudanais Omar el-Béchir a également fait part de sa "préoccupation face aux développements au Soudan du Sud" voisin, ajoutant que "le rôle du Soudan est d'aider ces pays à rétablir la stabilité". Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Tedros Adhanom, qui dirige une délégation de médiation africaine de cinq Etats, a déclaré, après avoir rencontré vendredi les deux rivaux, que les discussions étaient "très productives". Le Kenya va envoyer des soldats au Soudan du Sud pour évacuer ses quelque 1.600 ressortissants qui sont coincés dans ce pays voisin, alors que le Foreign Office britannique a annoncé qu'il allait organiser un "troisième et dernier" vol pour évacuer les ressortissants britanniques du pays. Deux envoyés américain et nigérian attendus à Juba L'émissaire américain pour le Soudan et le Soudan du Sud, Donald Booth, et un envoyé du Nigeria sont attendus dimanche soir à Juba, pour renforcer les efforts diplomatiques de la communauté internationale en vue d'éviter une extension de la guerre au Soudan du Sud, selon ministère sud-soudanais des Affaires étrangères. Un groupe de ministres des Affaires étrangères d'Afrique de l'Est a achevé une médiation de trois jours en rencontrant samedi le président sud-soudanais Salva Kiir, qui a promis de "mener un dialogue sans conditions" avec M. Machar. Malgré la poursuite des combats, le commandant en chef de l'armée sud-soudanaise, James Hoth Mai, a déclaré qu'"une guerre civile n'est pas proche. Nous l'éviterons à tout prix". Le chef militaire a également démenti des rumeurs selon lesquelles des jeunes en armes, après avoir rejoint les rebelles, pourraient marcher sur la capitale dans les prochains jours. Il a néanmoins reconnu que le gouvernement avait "des problèmes" dans deux Etats, l'instable Jonglei dans l'Est et l'Etat-clé pétrolier d'Unité, mais il s'est dit confiant dans la capacité de l'armée "à rétablir la situation dans quelques jours".