A 73 ans révolus, Mohamed Boufferoum, agriculteur de son état dans la commune de Chekfa (sud de Jijel), détient un record que lui envieraient de nombreux fellahs du pays. Ce citoyen qui a "la terre dans le sang" comme il se plait à le dire, est le plus ancien fellah professionnel en activité en Algérie pour la simple raison qu'il est titulaire de la toute première carte - de couleur verte - attribuée par la Chambre nationale de l'Agriculture, lui conférant la qualité d'exploitant agricole parmi le million d'agriculteurs immatriculés à ce jour. Cette carte qui porte le n° 000001/15/03A/18 lui a été attribuée lorsque les services de l'agriculture avaient réorganisé le secteur en procédant au recensement et à l'immatriculation de tous ceux qui s'adonnent au travail de la terre, confirment les responsables de la chambre de l'agriculture de la wilaya de Jijel. Le hasard a voulu que Boufferoum, encore bon £il bon pied, exhibe sa vieille carte de fellah dans les locaux de cette chambre pour faire renouveler son immatriculation et disposer ainsi du document lui ouvrant les portes aux crédits et aux divers avantages offerts dans le cadre des dispositifs mis en place par l'Etat pour le soutien du secteur agricole. Les activités dominantes de cet exploitant sont essentiellement le maraîchage de plein champ, la culture sous serres et l'élevage bovin, dans la commune de Chekfa, sur une exploitation de quatre (4) hectares de terres. Rencontré par l'APS dans les locaux de la chambre de l'agriculture pour s'acquitter des frais de renouvellement de son document, ce fellah qui n'a pas du tout l'air d'un septuagénaire se dit "tout content et très fier" de travailler encore jalousement son exploitation et de vivre du fruit de son labeur. Ancien président d'un domaine agricole socialiste (DAS) à Chekfa, puis devenu concessionnaire de cette exploitation à la faveur de la réorganisation du système agricole en 1988, Mohamed Boufferoum est assisté dans son travail par son unique fils, le jeune Khaled (28 ans) qui s'occupe de l'élevage bovin. Son cheptel composé de six vaches laitières sera renforcé dans peu de temps par huit (8) autres de race améliorée (pie noire), ont indiqué à l'APS, le président et le secrétaire général de la CAW, MM. Youcef Khen et Yacine Zeddam. Si cette exploitation ne dispose pas de tracteur ou d'autres engins agricoles et aratoires, elle a en revanche une étable de cent mètres carrés qui abritera les futures "pensionnaires", pour augmenter les capacités de production laitière. La réglementation en la matière exige, en effet, un minimum de cinq (5) hectares pour être éligible à l'acquisition d'un tracteur agricole, selon les responsables de l'agriculture. Cet exploitant a été orienté vers la formule du leasing pour pouvoir disposer de cet outil de travail. Depuis la prise de possession de cette EAI (exploitation agricole individuelle), ce fellah hors pair a toujours su protéger ses terres auxquelles il est toujours resté attaché, même pendant la décennie noire, en résistant contre vents et marées à la situation qui prévalait à l'époque. Aujourd'hui que la paix, la sécurité et la sérénité règnent de jour comme de nuit dans la région, la main d'£uvre agricole, paradoxalement, fait défaut, déplore M. Boufferoum, tout en rendant hommage à son fils pour avoir pris la relève, lui, dit-il fièrement, qui ‘‘se lève à 5 heures du matin pour la traite de ses vaches''. Ce fellah qui n'en finit d'exhiber sa carte "antédiluvienne" avec une fierté parfaitement assumée, montrant d'un doigt portant les stigmates du travail quotidien de la terre l'estampille de la chambre agricole, est cité comme un "modèle" par les responsables de la chambre qui entendent le citer à l'honneur prochainement, à l'occasion d'un évènement en relation avec le monde agricole. "Les portes de la chambre sont toujours ouvertes et nous exhortons surtout les jeunes à s'impliquer dans le travail de terre", souligne Youcef Khen, insistant sur la vulgarisation, la formation et le renforcement de la sécurité alimentaire du pays. Jetant un coup, d'£il affectueux à son fils, le vieux Boufferoum, entendant ce message du président de la chambre de l'agriculture, se fend d'un petit sourire, comme pour signifier que cela n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.