Le nouveau chef de l'Etat intérimaire au Burkina Faso, Michel Kafando a prêté serment mardi après moins de trois semaines de transition militaire pacifique, dans l'attente d'un consensus sur la nomination d'un Premier ministre et du reste des organes de transition. Après quinze jours de transition militaire sans violence, "les sages" du Conseil constitutionnel ont aisément convergé, à quelques "différences de vue, près, vers le choix de Michel Kafando, une personnalité civile et un diplomate émérite, tournant ainsi la page, "au nom du peuple", de 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré. Tout devrait rentrer naturellement dans l'ordre d'ici quelques heures à la faveur de la désignation du Premier ministre, du nouveau gouvernement, ainsi que des 90 membres du Conseil de transition, le parlement provisoire. "Je reçois cette charge avec beaucoup d'honneur mais aussi avec beaucoup d'humilité, l'humilité de quelqu'un qui n'est là que pour une période transitoire, l'humilité de quelqu'un qui est conscient que le pouvoir qu'il détient appartient au peuple", a déclaré M. Kafando dans un bref discours lors de sa cérémonie d'investiture. Mardi, ce président qui aura la charge d'aider son pays à tracer un nouveau chemin après 27 ans de pouvoir dominé par le clan Compaoré, a déclaré que l'exercice du pouvoir "ne doit souffrir d'aucun abus, aucun excès". Promettant que "plus rien ne sera comme avant s'agissant du respect scrupuleux de l'ordonnancement politico-juridique" du Burkina, Kafando, 72 ans, n'a pas hésité à affirmer devant plusieurs centaines de personnes, réunies dans la salle des Banquets de Ouaga 2000, de la capitale Ougadougou que son pays "ne saurait être une république bananière". M. Kafando a juré de "préserver", "respecter", "faire respecter" et "défendre" la Constitution, la charte de transition - qui définit les institutions intérimaires - et la loi, et de "tout mettre en œuvre pour garantir la justice". Il s'est adressé aux neuf membres du Conseil constitutionnel, présents à ses côtés, et qui ont validé publiquement sa nomination décidée lundi par un collège électoral constitué de civils et militaires. Le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir peu après la fuite de M. Compaoré vers la Côte d'Ivoire après sa démission sous la pression de la rue, était présent à la cérémonie d'investiture mardi. Le numéro deux de la garde présidentielle, était décoré plus tôt dans la matinée de l'ordre de la Grande croix, la plus haute distinction du pays, accordée uniquement aux chefs d'Etat. M. Kafando a fait toute sa carrière à l'international, où ses études l'ont conduit à faire les sciences politiques, d'abord à Dakar jusqu'en 1968, puis Bordeaux et Paris. Genève ensuite, où il obtient un diplôme de formation diplomatique au Centre européen de la dotation Carnegie. A son retour en Haute-Volta, l'ancien nom du Burkina Faso, il intègre le ministère des Affaires étrangères, où ils enchaîne les postes de direction: coopération internationale, relations internationales, organisations internationales. Cette dernière expérience le mène à l'ONU, où il devient une première fois ambassadeur de son pays (1981-1982). En 1982-83, Michel Kafando prend la charge de ministre des Affaires étrangères dans plusieurs gouvernements. Des années plus tard, Michel Kafando revient aux Nations unies. Après la Haute-Volta, il représente désormais le Burkina Faso à New-York, où il passera treize ans, de 1998 à 2011. Depuis sa retraite, M. Kafando s'est consacré à des travaux de consultant, expliquait-il aux médias avant sa désignation. Profilage du Premier ministre : le premier test pour Kafando M. Zida transmettra symboliquement le pouvoir à son successeur vendredi lors d'une cérémonie de passation, à laquelle assisteront au moins six chefs d'Etat (Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo), selon le chef du protocole de l'armée. D'ici là, le nouveau président devrait nommer son Premier ministre, le nouveau gouvernement, ainsi que les 90 membres du Conseil de transition, le parlement provisoire. La nomination du Premier ministre dans les prochaines heures devrait être le premier test politique pour M. Kafando, alors que les militaires, et notamment le lieutenant-colonel Zida, quoique ce dernier n'"a pas affiché un grand appétit de pouvoir", pourrait être tenté de briguer ce poste pour conserver leur influence sur les nouvelles institutions de transition. M. Kafando et les nouvelles autorités auront la charge d'organiser des élections générales d'ici novembre 2015. Selon la charte de transition, il ne pourra pas lui-même se présenter au scrutin présidentiel. L'expérience bukinabè, un exemple à suivre L'Union africaine (UA) - qui avait lancé un ultimatum le 3 novembre au régime militaire, lui demandant de valider sous quinze jours ses institutions de transition et de choisir un président intérimaire - a salué le choix d'une "personnalité civile" comme chef intérimaire, signe de la "maturité politique" des Burkinabès. La Cédéo, l'union économique ouest-africaine, a également félicité leur "sens des responsabilités". "Cette transition démocratique est globalement remarquable et peut servir d'exemple à d'autres pays", soulignait par ailleurs Philippe Hugon, un chercheur français. Le Conseil de sécurité de l'ONU a salué la nomination de Michel Kafando, au poste de président civil de la transition, appelant toutes les parties burkinabés "à faciliter le commencement du travail des organes de transition sans délai", comme il a invité les forces de sécurité burkinabés "à respecter le contrôle civil et à superviser la transition". La transition militaire aura donc duré à peine trois courtes semaines au Burkina Faso, quand nombre de Burkinabè craignaient un coup d'Etat de l'armée et son maintien au pouvoir. L'ancien président Compaoré a été chassé par la rue le 31 octobre après avoir tenté de réviser la Constitution afin de se maintenir au pouvoir. Les dérives de son clan et la corruption engendrée ont alimenté le ressentiment populaire.