Les déclarations du secrétaire d'Etat américain John Kerry faisant de Bachar al-Assad un "interlocuteur obligé" sur la voie d'une paix en Syrie est une "reconnaissance de la légitimité" du président syrien, a rapporté lundi la presse syrienne. Le journal al-Watan estime que les propos de M. Kerry ouvrent "une nouvelle étape dans les négociations politiques". Il évoque la possibilité qu'un "émissaire américain" se rende "à Moscou le 6 avril pour participer aux efforts russes visant à trouver une solution à la crise syrienne". Les quotidiens syriens voient dans les déclarations de M. Kerry un revirement de la position de Washington, qui appelait au départ du chef de l'Etat syrien depuis le début du conflit en mars 2011. "C'est une nouvelle reconnaissance de la légitimité du président al Assad, de son rôle clé, de sa popularité et par conséquent de la nécessité de négocier avec lui", écrit al-Watan. Pour le journal, "l'administration américaine a enfin reconnu qu'elle ne pouvait pas faire partir le président al Assad par la force militaire", soulignant que la politique américaine a été un "échec". Le journal se félicite du fait que la position du secrétaire d'Etat américain ait "choqué ses alliés qui pratiquent le terrorisme contre la Syrie" et "qui avaient misé sur une intervention militaire pour renverser" le gouvernement. Le journal du parti au pouvoir, Al-Baath, souligne une nouvelle fois "l'échec du projet américano-sioniste contre la Syrie". Le quotidien officiel ath-Aoura se demande si les déclarations de M. Kerry sont "une reconnaissance (de M. AL Assad) ou une tactique", tout en estimant que les "comploteurs" n'avaient "pas réussi à réaliser leurs objectifs en Syrie". M. Kerry avait déclaré dans une interview diffusée sur la chaîne CBS dimanche qu'"au final, il faudra négocier. Nous avons toujours été pour les négociations dans le cadre du processus (de paix) de Genève I". Répondant à la question d'une journaliste qui lui a demandé s'il était disposé à parler au président Bachar Al-Assad, M. Kerry a indiqué: "S'il est prêt à engager des négociations sérieuses sur la façon d'appliquer Genève I, bien sûr", ajoutant "nous l'encourageons à le faire". Bachar al-Assad ne fera "jamais partie" de négociations de paix (Washington) Le département d'Etat américain a minimisé à nouveau lundi les propos de son secrétaire d'Etat John Kerry, en assurant que le président syrien Bachar al-Assad ne ferait "jamais partie" de négociations de paix pour la Syrie. M. Kerry avait affirmé dimanche qu'"au final, il faudra négocier" avec M. Assad pour mettre fin au conflit qui a fait plus de 215.000 morts en quatre ans. Déplorant l'absence de négociations de paix pour "mettre fin à la souffrance du peuple syrien", la porte-parole du département d'Etat Jennifer Psaki a rappelé que "comme nous le disons depuis longtemps, il faut que des représentants du régime d'Assad fassent partie du processus" de paix. Mais "ce ne sera pas et ce ne sera jamais Assad lui-même --et ce n'est pas ce que M. Kerry voulait dire", a-t-elle expliqué. Interrogé par la chaîne américaine CBS qui lui demandait s'il négocierait avec Assad, M. Kerry avait répondu: "au final, il faudra négocier" avec M. Assad. "S'il est prêt à engager des négociations sérieuses sur la façon d'appliquer (le processus de paix de) Genève I, bien sûr", avait-il ajouté. Le chef de la diplomatie américaine, qui a rencontré Assad à plusieurs reprises quand il était sénateur, a précisé que ces négociations se tiendraient dans le cadre du processus de Genève de 2012, qui prévoit une transition politique en Syrie. Alors que les propos de M. Kerry continuent de provoquer de vives réactions à l'étranger, Mme Psaki a expliqué que M. Kerry avait "utilisé Assad comme un raccourci" pour le régime syrien dans son ensemble. Les Etats-Unis répondent ainsi aux vœux de l'opposition syrienne modérée qui avait fait savoir qu'elle ne négocierait jamais avec Assad, a rappelé Mme Psaki. "C'est sûr que vous ne pouvez pas négocier avec vous-mêmes", a noté Mme Psaki. "Il faut des représentants à la fois de l'opposition et du régime autour de la table". Mais, a-t-elle souligné, "il n'y a pas de processus en cours, ni de processus sur le point de commencer, c'est donc à ce stade purement théorique". Dimanche une autre porte-parole du département d'Etat, Marie Harf, s'était empressée de préciser qu'il n'y avait eu aucune modification de la position américaine. "Notre politique n'a pas changé. Il n'y a pas d'avenir pour un dictateur brutal comme Assad en Syrie", avait-elle écrit dans un communiqué. Bachar al-Assad a appelé lundi les Etats-Unis à joindre les actes à la parole tandis que des opposants s'offusquaient des déclarations de John Kerry. Alliées des Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne se sont empressées de se démarquer des propos du secrétaire d'Etat.