L'équipe de médiation déléguée par la Cédéao pour dénouer la crise politico-militaire au Burkina Faso a présenté un projet d'accord politique prévoyant, principalement, de restaurer la transition, d'amnistier les putschistes et de maintenir les élections, un document qui parait applicable mais tributaire de d'une unanimité autour de son contenu. La restauration des autorités de transition avec Michel Kafando comme président intérimaire, l'amnistie des putschistes et la reprise du processus électoral au plus tard le 22 novembre: ce sont les propositions les plus en vue pour régler la crise née après le coup d'Etat mené par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dont les meneurs ont rencontré les médiateurs de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). L'équipe de la médiation à Ouagadougou est conduite par le président sénégalais Macky Sall, accompagné de son homologue béninois, Thomas Boni Yayi. Le document composé de 12 points, prévoit également la libération sans condition de toutes les personnes détenues suite aux événements. Le sort du RSP, à l'origine du coup d'Etat, est quant à lui "laissé à l'appréciation du président issu des prochaines élections". Depuis plusieurs mois, la société civile réclame la dissolution de cette troupe forte de 1.300 hommes. Le parlement de la transition est pour sa part invité à s'abstenir de légiférer dans les matières autres que celles relevant des élections. Un document controversé Les propositions de la médiation ouest-africaine qui doivent être examinées mardi à Abuja lors d'un sommet extraordinaire de la Cédéao, sont loin de faire l'unanimité. Certes, les militants du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré, désormais éligibles aux élections prévues le 11 octobre, se réjouissent, mais certaines parties estiment que le texte "entérine" le coup d'Etat. Du côté des militaires putschistes, toutes leurs revendications sont satisfaites, notamment celle consistant à "rendre éligibles aux prochains scrutins les candidats pro-Compaoré que la Cour constitutionnelle a exclu du processus électorale". La victoire est même double au profit des putschistes, estime-t-on, puisqu'une loi d'amnistie sera mise sur la table avant la fin du mois, et que toute réforme de l'armée est reportée au lendemain des prochaines élections Cependant, ces propositions ne semblent pas satisfaire la société civile. Selon Moussa Zerbo, militant de l'Union pour le progrès et le changement (UPC), le texte présente beaucoup d'incertitudes dans la mesure où "les préoccupations des partis politiques mais aussi de la société civile n'ont pas été prises en compte." "Je pense que les médiateurs devraient revoir ce qui peut tranquilliser les populations, parce que tout ce qui est dit est flou", a-t-il insisté. Néanmoins, le militant dit attendre les directives au niveau central pour décider de la suite à donner au projet de plan de sortie de crise. Des partisans du Balai citoyen, mouvement principal dans le soulèvement contre le président déchu, Blaise Compaoré, qualifient le projet d'accord de "honteux", étant donné qu'il évoque "une amnistie au profit des putschistes". Cité par des médias, le professeur de droit constitutionnel, Luc Marius Ibriga, un des rédacteurs de la charte de la transition, abonde dans ce sens : "La Constitution burkinabè dit que c'est le président qui propose l'amnistie. Et c'est le CNT (Conseil nationale de transition) qui vote l'amnistie. Et là, on dit qu'il faut voter une amnistie pour des gens qui ont tué pour se faire inscrire sur les listes électorales", s'insurge-t-il. Chez Roch Marc Christian Kaboré, membre de l'ancienne opposition à Compaoré et un des favoris à l'élection présidentielle, les réactions sont plutôt négatives. M. Kaboré rappelle, dans ce contexte, que la question des candidats pro-Compaoré a été tranchée". "Il s'agit d'un appel à une fin pure est simple des négociations avec le camp (partisans) Compaoré", a-t-il ajouté. En outre, à l'annonce du projet de protocole d'accord de la médiation, de populations de la vielle de Bobo Dioulasso, qui manifestaient depuis mercredi soir disent être "déçus", "frustrés" et "indignés", après la présentation du document de la Cédéao. Le 17 septembre, le général Gilbert Diendéré, proche de l'ex-président Blaise Compaoré chassé par la rue en octobre 2014, prend le pouvoir à la tête d'un Conseil national pour la démocratie (CND) à la suite d'un coup d'Etat militaire. Les putschistes avaient en suite décrété un couvre-feu nocturne et la fermeture des frontières, séquestrant dans le foulé du même mouvement, le président intérimaire, Michel Kafando et son Premier ministre, Isaac Zida. Une vague de condamnation et de rejet de ce coupe d'Etat avait été suscitée au sein de la communauté internationale, qui aussitôt brandi la menace de sanctions contre les putschistes.