Les divergences persistent au sein de l'opposition syrienne sur la composition de sa délégation aux pourparlers de paix censés commencer, lundi prochain à Genève, afin de trouver une solution politique à la grave crise qui secoue la Syrie depuis près de cinq ans. Côté pouvoir, le gouvernement de Bachar al Assad, qui qualifie tous les groupes d'opposition armée de "terroristes", a accepté en principe de participer aux discussions de Genève sous l'égide de l'ONU, mais avait dit vouloir voir la composition de la délégation de l'opposition. A quelques jours du début des discussions de Genève, la plus importante coalition de l'opposition, qui regroupe une centaine de représentants des principaux groupes de l'opposition politique et armée qui s'étaient réunis à Ryadh en décembre, a nommé mercredi un chef rebelle comme négociateur en chef aux pourparlers de Genève. Dans une conférence de presse à Ryadh, Riad Hijab, coordinateur général de la coalition formée des principaux groupes de l'opposition politique et armée, a annoncé que Mohamed Allouche, le cousin de Zarhane Allouche, chef de Jaich al-Islam tué par un raid des forces gouvernementales le 25 décembre, serait le négociateur en chef lors des futurs pourparlers de Genève. Cette nomination a aussitôt été critiquée par les opposants de l'intérieur: "Ce n'est pas acceptable que le négociateur en chef et le chef de la délégation soient affiliés à l'opposition armée. Ceci envoie un mauvais message au peuple syrien qui souhaite le succès des négociations", a dénoncé le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND) dont trois membres font partie de la délégation de l'opposition. Appels à "une délégation large pour l'opposition" M. Hijab a souligné que la délégation de la coalition était la seule à pouvoir représenter l'opposition aux pourparlers de Genève: "Nous n'irons pas aux négociations si l'on ajoute une tierce partie ou une autre personnalité", a-t-il dit en allusion à la volonté prêtée à la Russie de faire représenter aux négociations des groupes proches de Damas. Il a de nouveau exigé que le gouvernement cesse ses bombardements contre les zones peuplées, lève le siège de toutes les villes et les régions et libère les prisonniers, conformément à la résolution 2254 de l'ONU. Il a répété aussi que les négociations devraient conduire à la mise en place d'une autorité de transition bénéficiant de "pleines prérogatives et au sein de laquelle al-Assad n'aura aucun rôle à jouer". Selon une feuille de route définie à Vienne en novembre 2015 par 17 pays --dont les grandes puissances, l'Arabie saoudite et l'Iran-- un cessez-le-feu doit être conclu, un gouvernement de transition formé et des élections organisées dans un délai de 18 mois. Ce processus a été validé le 18 décembre à l'unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU. Afin d'éviter un éventuel report des discussions de Genève, l'ONU a sommé lundi les grandes puissances (les Etats-Unis, la Russie, les Européens et certains pays du Moyen-Orient comme l'Arabie saoudite et l'Iran) regroupés au sein du Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), de s'entendre sur la composition de la délégation de l'opposition syrienne aux pourparlers de Genève. Mais Washington a estimé mardi qu'il restait "encore beaucoup de travail à faire" pour être en mesure d'amorcer les pourparlers. Dans ce contexte, l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine a confirmé de profonds désaccords sur la composition de la délégation de l'opposition. "Il faut une délégation large pour l'opposition", a affirmé M. Tchourkine. "Ce ne sont pas juste les gens de Ryadh qui devraient être invités mais d'autres aussi", évoquant un "possible" retard des pourparlers de Genève du fait de ces désaccords, tandis qu'un autre diplomate a estimé qu'il sera "très difficile" de tenir le calendrier prévu. L'Arabie saoudite a organisé une réunion à Ryadh avec une partie des groupes d'opposition susceptibles d'aller à Genève et qui lui sont proches. Mais la Russie a fait de même avec d'autres groupes et l'Iran a aussi ses idées sur la question, une "guerre des clans" qui pourrait bien faire capoter ces discussions, selon les observateurs. Staffan de Mistura annonce les préparatifs des futurs pourparlers L'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a assuré vouloir toujours entamer lundi à Genève les discussions de paix sur la Syrie, après avoir rendu compte à huis clos au Conseil de sécurité des préparatifs des futurs pourparlers. Selon des diplomates, M. de Mistura a déclaré aux ambassadeurs des 15 pays membres que les invitations seraient lancées "dès que nous serons en terrain solide". Il a souhaité que pour faciliter un succès à Genève, les belligérants décident de mesures "pour démontrer leur bonne volonté", par exemple lever les sièges de certaines villes syriennes comme cela a été le cas à Madaya, assiégée par l'armée, ou Kefraya, assiégée par les rebelles. Les Syriens "doivent pouvoir constater une différence tangible dans la situation des villes assiégées pendant les discussions" à Genève, a-t-il affirmé, toujours cité par des diplomates. Selon les estimations de l'ONU, 400.000 civils sont assiégés et affamés en raison du siège des forces gouvernementales ou rebelles dans 15 endroits en Syrie.