La minorité musulmane des Rohingyas en Birmanie est confrontée à un cycle de violences et de persécutions de la part de soldats birmans dans l'ouest du pays, ce qui s'apparente à une campagne de "nettoyage ethnique" selon l'ONU. Concentrés dans l'Etat Rakhine (ouest), les Rohingyas sont considérés comme des étrangers par la Birmanie, bien que certains y soient présents depuis des générations. Un représentant de l'ONU au Bangladesh a affirmé que la Birmanie a entamé une campagne de "nettoyage ethnique" contre la minorité musulmane rohingyas. "Ces actes s'apparentaient à un nettoyage ethnique", a estimé sur la chaîne de télévision britannique BBC, John McKissick, directeur du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) dans la ville bangladaise frontalière de Cox's Bazar (sud). "Viols en réunion, tortures, meurtres et massacres": les Rohingyas qui ont franchi la frontière ont, selon les médias, fait le récit des violences que leur font subir les soldats birmans dans l'ouest du pays, où vivent des dizaines de milliers de membres de cette minorité musulmane. D'après les Nations unies, 30.000 personnes ont été déplacées par ces violences qui ont fait des dizaines de morts depuis le début de l'opération de l'armée birmane à la suite d'attaques de postes de police début octobre. "Il est très difficile pour le gouvernement bangladais de déclarer ouverte sa frontière, car ceci pourrait encourager le gouvernement birman à perpétuer les atrocités et les pousser dehors, jusqu'à atteindre son objectif final de nettoyage ethnique de la minorité musulmane de Birmanie", a expliqué M. McKissick. La Birmanie a déjà été accusée de nettoyage ethnique contre ces musulmans mais c'était à l'époque où le pays était dirigé par d'anciens militaires. Les Rohingyas sont considérés comme des étrangers en Birmanie, à population majoritaire bouddhiste (95%), et sont victimes de multiples discrimination: "travail forcé, extorsion, restrictions à la liberté de mouvement, absence d'accès aux soins et à l'éducation". En Etat Rakhine, des milliers d'entre eux vivent dans des camps depuis les violences lancées en 2012 par les bouddhistes qui avaient fait près de 200 morts. Pour fuir les persécutions et leurs conditions de vie, des milliers de Rohingyas tentent tous les ans de fuir en traversant le golfe du Bengale pour rejoindre la Malaisie notamment. Depuis quelques temps, c'est vers le Bangladesh que des milliers d'entre eux se sont tournés. Human Rights Watch, qui s'appuye sur des images sattelites, affirme que plus de 1.000 maisons de Rohingyas ont été incendiées en Etat Rakhine récemment. "Les Rohingyas sont pris en étau", a déclaré Champa Patel, directrice d'Amnesty International en Asie du Sud évoquant leur "besoin désespéré" de nourriture, d'eau et de soins médicaux. Mais depuis fin mars 2015, Aung San Suu Kyi a pris les rênes du pays et paradoxalement elle n'a jamais pris position ni ne s'est exprimé sur le sujet depuis le début des violences le mois dernier. Argument avancé : le nouveau gouvernement birman n'a pas de pouvoir sur l'armée, qui reste en charge du ministère de l'Intérieur et des Frontières notamment. Le Bangladesh appelle la Birmanie à des "mesures urgentes" Dans ce contexte, le Bangladesh a appelé son voisin birman à prendre des "mesures urgentes" pour que cesse l'entrée sur son territoire de réfugiés Rohingyas fuyant les violences dans leur région. Face à l'afflux de "citoyens birmans apeurés", la Birmanie doit "prendre des mesures urgentes et appropriées pour que les minorités musulmanes (...) ne soient pas forcées de se réfugier de l'autre côté de la frontière", a indiqué Dacca dans un communiqué mercredi soir. Le Bangladesh a renforcé la surveillance et ses patrouilles à l'extrême sud-ouest de son territoire pour tenter d'empêcher les passages de Rohingyas sous le couvert de la nuit. Ceux qui sont interpellés se voient refoulés en Birmanie, ce qui suscite des inquiétudes au sein de la communauté rohingya. Les réfugiés parvenant à bon port font en effet état de meurtres et de viols de femmes de leur communauté par les soldats birmans. Manifestations dans plusieurs pays d'Asie contre le "traitement" des Rohingyas en Birmanie Des manifestations ont éclaté vendredi dans plusieurs pays d'Asie pour dénoncer le "traitement" des Rohingyas par la Birmanie. Quelque 5.000 personnes se sont rassemblées à Dacca, la capitale du Bangladesh, pays où se sont réfugiés ces dernières semaines des milliers de familles de Rohingyas ayant quitté leur pays pour fuir les exactions. Des rassemblements ont également réunis plusieurs centaines de personnes à Kuala Lumpur (Malaisie), Jakarta (Indonésie) et Bangkok (Thaïlande). A Dacca, les manifestants ont exigé la fin des violences et appelé le Bangladesh à accepter les réfugiés Rohingyas. La police bangladaise avait annoncé mercredi qu'elle allait renvoyer des dizaines de Rohingyas en Birmanie. A Kuala Lumpur, quelque 500 Malaisiens et Rohingyas ont défilé sous une pluie tropicale battante. Le gouvernement malaisien a de son côté publié un communiqué condamnant la violence et appelant la Birmanie à "prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre (le problème du) nettoyage ethnique présumé". A Jakarta, quelque 200 personnes ont manifesté devant l'ambassade de Birmanie en Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde.