La sénatrice française Nathalie Goulet a affirmé vendredi à Paris qu'il n'appartenait pas à l'Etat d'organiser l'islam en France et que cette mission incombait aux musulmans seulement. "Il n'appartient à l'Etat français d'organiser l'islam en France. Cette mission est entre les mains des musulmans eux-mêmes qui ont toute leur place dans la République", a déclaré la sénatrice à l'ouverture du colloque qu'elle a organisé au Sénat avec le sénateur André Reichardt et le Conseil français du culte musulman (CFCM). Le président Emmanuel Macron a exprimé, à plusieurs reprises, sa volonté d'organiser l'islam en France et a confié à l'Institut Montaigne de lui présenter un rapport dans ce sens, un rapport qui a été rejeté par les différentes institutions françaises du culte musulman. D'ailleurs, Nathalie Goulet a estimé que ce rapport "travestit la réalité de l'islam en France", affirmant que c'est une "supercherie". "Très peu de responsables du culte musulman en France ont été auditionnés et le ‘Tracfin islamique' (pour contrôler les flux financiers) qu'on mettre sur pied est discriminatoire envers les musulmans", a-t-elle dit s'interrogeant l'absence de Tracfin pour les autres religions et dans d'autres secteurs comme la culture. L'avocat Chem-eddine Hafiz, vice-président du CFCM, a rappelé que les musulmans, qui sont en France depuis très longtemps, ont donné de leur sang, dans les deux Guerres mondiales, pour que "vive la France". "Ils font partie prenante de la société française. Ils ne sont plus que des éboueurs ou maçons, il y a maintenant beaucoup de compétences et qualifications chez eux", appelant à faire "beaucoup de pédagogie" pour expliquer que l'islam est compatible avec les lois françaises. Dans son intervention, le président du CFCM, Ahmet Ogras, a déploré que la question de l'islam en France est débattue depuis quelques années mais "sans réelles avancées" et donc "il est difficile d'en extraire une conclusion sage", énumérant les différentes raisons de cette situation à commencer par le fait, a-t-il dit, que la gestion du culte musulman est "reliée au ministère de l'Intérieur qui gère notamment les questions relatives à la sécurité nationale". "Nous faisons donc un raccourci facile, voire dangereux, en voulant traiter la question de l'islam prioritairement sous l'angle de la sécurité", a-t-il fait constater, relevant que les terroristes, qui ont commis les horreurs, "n'avaient ni une pratique dans une mosquée ni même un bagage théologique". Il a dénoncé par ailleurs le silence médiatico-politique sur les actes d'islamophobie, soulignant que le degré d'indignation "devrait être exactement, ni plus ni moins, le même quel que soit la religion, la race, les opinions, le sexe, l'origine ou le statut social des victimes". Ingérence, inquiétude, islamophobie, laïcité Sur un autre registre, Ahmet Ogras a noté "l'emballement" politique et médiatique autour de l'islam en France, soulignant que le débat est tel qu'il est "plus passionné que passionnant". Il a également dénoncé" ceux qui "veulent cadrer" l'islam, alors que cette "ingérence", a-t-il soutenu, est contraire à la laïcité, un principe qui est utilisé "à tort et à travers" contre les musulmans. Le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie et délégué général du CFCM, Abdallah Zekri, a dressé un bilan des actes islamophobes, mettant l'accent, dans un langage franc et direct, sur l'inquiétude "grandissante" de la communauté musulmane. "Il n'est plus possible d'entendre et d'accepter que des hommes politiques, pour chasser sur les terres d'extrême droite, disent que "l'islam est incompatible avec les valeurs de la République", a-t-il soutenu, soulignant qu'il n'y a pas de discrimination "plus ou moins grave", car pour la victime, a-t-il expliqué, "la discrimination est toujours synonyme de privation de dignité et d'humiliation inacceptable". Pour sa part, Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité, a tenté de placer les choses dans leur contexte en rappelant les principes de la laïcité, soulignant à cet effet qu'il existe une "forte confusion" dans le débat public autour de cette question. Il a réitéré que l'Etat n'a pas à s'ingérer dans les affaires du culte, ni de sa gestion ou de son fonctionnement, notant que la laïcité "permet d'exprimer la liberté religieuse" dans la limite de l'ordre public, du respect des libertés des autres ou des contraintes liées au milieu professionnel. Avant la clôture du colloque, le vice-président du CFCM, Anouar Kbibech, a présenté l'état d'avancement de la réforme du CFCM, dont le document sera finalisé à la fin de l'année. Il a évoqué, dans ce sens, la volonté "manifeste" de relever tous les défis avant la tenue des élections de 2019, dont notamment l'apaisement de la compétitivité électorale, l'ouverture vers la société civile et les femmes, la prise d'une parole "forte" sur le plan théologique, la formation des imams et le financement du culte.