Le Soudan est paralysé par une "vraie désobéissance civile", décidée par les contestataires qui ont appelé lundi à poursuivre ce mouvement pour obtenir le départ des militaires et la remise des clefs du pouvoir à un gouvernement civil, alors que les mesures de sécurité ont été renforcées à travers le pays "pour un retour à la vie normale". Cette campagne de "désobéissance civile illimitée" a commencé dimanche à l'appel de l'Association des professionnels soudanais (SPA), acteur majeur de l'opposition civile, qui accuse les militaires au pouvoir d'être derrière le "massacre" de lundi dernier lorsque les forces de sécurité soudanaises ont dispersé violemment un sit-in devant le QG de l'armée dans la capitale Khartoum (des dizaines de morts et de blessés). Les évènements de lundi et la "répression" qui s'en est suivie ont provoqué un tollé international et poussé les contestataires à accentuer davantage la pression sur le Conseil militaire de transition (CMT) pour qu'il cède le pouvoir aux civils, refusant ainsi tout dialogue avec les militaires "qui tuent les gens", selon le SPA, alors que les négociations sont déjà dans l'impasse depuis le 20 mai en raison de divergences persistantes sur la transition. Malgré un premier jour de désobéissance sanglant (quatre morts), le SPA parle lundi d'"un succès" et demande aux Soudanais de poursuivre le mouvement jusqu'à l'avènement d'un gouvernement civil. Selon un comité de médecins proche de la contestation, deux personnes ont été tuées dimanche par balles à Khartoum et dans la ville voisine d'Omdourman, tandis que deux autres, "battues et poignardées", sont mortes dans un hôpital d'Omdourman. Ces personnes ont été victimes "du Conseil militaire de transition" et de ses "milices", a accusé le comité. En réponse à ces accusations, un membre du Conseil militaire a dénoncé les "pratiques déraisonnables" du mouvement de contestation lui faisant porter "l'entière responsabilité des évènements. Sécurité renforcée à Khartoum, ville fantôme En outre, le Conseil a décidé de "renforcer la présence des forces armées et des autres forces régulières pour un retour à la vie normale", a prévenu ce membre du Conseil, le général Jamal el-Din Omar, dans un discours télévisé. Le Conseil militaire de transition est au pouvoir depuis la destitution le 11 avril par l'armée du président Omar al-Bachir, après 30 ans au pouvoir. Son départ était réclamé par le mouvement de contestation déclenché le 19 décembre par le triplement du prix du pain dans un climat de crise économique aigüe. En outre, Khartoum est devenue ville fantôme avec des transports quasi-inopérants, un trafic très faible et l'essentiel des magasins fermés, selon des correspondants de presse, depuis le début du mouvement de désobéissance civile, alors que le pays avait été déjà paralysé par une grève générale de 48 heures, décidée par les contestataires. Les boutiques d'alimentation type supermarchés ou encore boulangerie étaient en partie ouvertes pour permettre aux gens de s'approvisionner, d'après la même source. Et dans plusieurs quartiers, des barricades ont été érigées pour limiter la circulation ou encore empêcher les véhicules des forces de de sécurité de se déplacer, a-t-on ajouté. Banques, pharmacies, restaurants, coiffeurs ou encore magasins de vêtements, la plupart des commerces avaient laissé leur rideau baissé lundi. A Omdourman, des habitants sont allés acheter des produits de première nécessité dans des épiceries, mais la ville est restée éteinte, tout comme à Al-Obeid ou Madani (centre). La situation au Soudan a été à la Une de la presse arabe et africaine notamment: "Paralysie totale au premier jour du mouvement de désobéissance civile", annonce lundi le quotidien saoudien Asharq el-Awsat. De son côté, le journal libanais "L'Orient-le-jour", s'inquiète de voir la contestation désormais "prise en étau entre la violente répression et l'impasse des négociations", avec le pouvoir. Quant au site d'information guinéen Le Djély, il a dénoncé l'inaction de la communauté internationale qui, écrit-t-il, "se contente de timides condamnations pendant que les Soudanais se font massacrer".