A la veille de deux réunions décisives de l'Opep et ses partenaires, l'expert dans les questions énergétiques, ancien P-dg de Sonatrach, Nazim Zouioueche, estime dans un entretien accordé à l'APS, qu'une nouvelle réduction de la production de l'Opep + devrait être "importante" et "scrupuleusement "respectée". - QUESTION : les cours de l'or noir ont sensiblement chuté, notamment depuis l'apparition du coronavirus en décembre en Chine. Pensez-vous que cette épidémie virale constitue la seule cause de cette baisse ou s'agit-il aussi d'autres facteurs? -Nazim Zouioueche: La variation des prix du pétrole est motivée essentiellement par l'évolution de l'offre et de la demande. Ainsi, des événements géopolitiques, de possibles incidents de fonctionnement dans l'exploitation (upstream), et la liquéfaction et transport (midstream) ou la branche raffinage (downstream) peuvent affecter la demande et surtout l'offre sur le marché mondial. Les prix chutent si l'offre est supérieure à la demande, par contre si des problèmes politiques ou autres touchent des pays producteurs, une tendance haussière se déclenche. Au début de l'année 2020, les prix se maintenaient à un niveau relativement contenu autour de 60 dollars le baril malgré les accords de réduction de la production, conclus par l'OPEP+, valables jusqu'à fin mars 2020.Fin 2019 nous avions enregistré une embellie atteignant un niveau proche de 70 dollars.Dès 2020, la couverture médiatique intense autour de l'épidémie de coronavirus en Chine a provoqué une réduction drastique des prix de l'ordre de 20% , alors que l'épidémie de Sras au début du siècle n'avait pas occasionné un tel écho négatif. Cela signifie qu'à la morosité ambiante, l'épidémie a accéléré la tendance baissière puisque la Chine principal importateur, voyait ses activités réduites entrainant ainsi un risque de chute de la demande avec une offre constante (la marché pétrolier anticipe toujours très rapidement) même en hausse si on tient compte des annonces des nouvelles performances du schiste américain.Nous sommes en année électorale américaine et le président actuel base sa campagne de réélection sur les performances économiques de son pays. Ainsi pour les Etats-Unis une augmentation sensible des prix du pétrole pourrait entrainer une inflation en hausse qui mettrait en danger leur économie actuellement florissante (Donald Trump a répété à plusieurs reprises qu'il tenait à un prix contenu de l'énergie et qu'il ne voulait pas d'une hausse conséquente : une fourchette 50- 60 dollars serait semble-t-il sa préférence). - QUESTION : Faut-il s'attendre à ce que cette baisse s'inscrive dans la durée et pensez-vous qu'une nouvelle réduction de la production pétrolière de l'Opep+ permettrait d'équilibrer le marché pétrolier ? -Nazim Zouioueche: S'attendre à une reprise sensible des prix d'ici au mois de novembre parait peu probable.L'Opep et son allié russe peuvent évidemment décider d'une autre réduction mais celle-ci ne doit pas être une réduction cosmétique mais une réduction importante et répétitive si nécessaire tout en étant scrupuleusement respectée. Peut-on arriver à un tel résultat? difficile à imaginer d'autant plus que les USA disposent toujours de la possibilité d'augmenter leur production par un appel au schiste qui semble-t-il peut encore améliorer ses performances. On comprend aisément pourquoi les USA continuent à subventionner "implicitement" la production du schiste, gaz ou pétrole (n'oublions pas que le prix du gaz n'a jamais été si bas).Les USA ont réussi grâce à l'appoint du schiste à être le levier principal de détermination du prix sur le marché mondial. -Question : Quel serait alors l'impact sur l'Algérie? -Nazim Zouioueche: Si l'OPEP+ décide d'une nouvelle réduction, l'Algérie ne sera impactée que marginalement puisque déjà nous produisons un peu en dessous du quota actuel, alors que les prévisions futures ne sont pas très encourageantes (la production chute depuis 2008). Evidemment l'impact sur l'économie et la réalisation des différents programmes risque de s'inscrire négativement. Il devient de plus en plus nécessaire de prendre les mesures ad hoc pour atténuer la dépendance aux hydrocarbures. Au-delà de la réduction des importations, qui s'avèrent difficiles, il faudrait revoir notre politique de subvention et développer une diversification de notre économie en utilisant une partie de nos réserves restantes et créer les conditions pour accroitre les IDE en améliorant " le climat des affaires". L'assainissement des finances publiques doit être entrepris au plus vite tout en mettant en place les conditions pour améliorer le recouvrement de l'impôt.La dépense publique doit être revue dans le sens de la contraction en faisant de la maitrise des couts une priorité. Multiplier les actions de formation adéquates pour augmenter le chiffre de la main d'œuvre qualifiée qui fait cruellement défaut.Par ailleurs, développer les énergies renouvelables largement disponibles pour augmenter leur participation à la production d'électricité et dégager ainsi au plus vite de larges quantités de gaz naturel.