La crise économique qui affecte le Liban a suscité un malaise social qui a poussé des centaines de Libanais à manifester durant sept jours consécutifs, dans les grande villes du pays pour exprimer leur "colère" face à la dégradation de leurs conditions de vie et à l'"inaction" des dirigeants politiques, rapportent les médias. Les manifestants ont exprimé leur "désolation" après la chute de la valeur de la monnaie libanaise et la "stagnation" de la situation politique. Les manifestations qui se déroulent depuis une semaine ont abouti à l'obstruction de toutes les grandes artères des villes et des routes principales, ce qui a eu pour conséquence le blocage de la circulation dans bon nombres de villes du pays. "Nous avons bloqué toutes les routes pour dire à tout le monde: c'est fini", lance Pascale Nohra, une manifestante à Jal el-Dib, au nord de Beyrouth."Nous n'avons plus rien à perdre. Même notre dignité nous l'avons perdue", a-t-elle indiqué. Depuis 2019, le Liban connaît sa pire crise économique. Le chômage a explosé, l'inflation aussi. La monnaie a atteint un plus bas historique, et les banques continuent d'imposer des restrictions draconiennes inédites aux épargnants. Malgré l'urgence de la situation, les dirigeants politiques, accusés d'"incompétence" et de "corruption", restent "imperturbables" après avoir survécu à un mouvement de contestation inédit fin 2019, selon les médias. Lire aussi : Liban: appels à s'attaquer aux raisons de l'obstruction pour surmonter l'impasse politique Dans ce contexte, des appels ont été lancés lundi sur les réseaux sociaux pour une "Journée de la colère" à travers le Liban. En fin d'après-midi, la plupart des entrées de Beyrouth étaient toujours bloquées. Des routes étaient également bloquées ailleurs dans le pays, notamment dans la ville côtière de Jbeil. Face à cette situation extrêmement tendu, les forces de sécurité et l'armée libanaises se sont déployées en grand nombre pour éviter un éventuel dérapage au cas ou la situation basculerait et éviter surtout que les manifestants ne s'en prennent au grand édifices publics et au siège des institutions de l'Etat. "Le pire n'est pas encore arrivé!" La valeur de la Livre libanaise a enregistré une chute record depuis le début de la crise financière et la dépréciation monétaire au Liban, il y a un an et demi, occasionnant une énième augmentation des prix qui a provoqué une ruée vers les étales pour approvisionner en prévision d'éventuelles pénuries. Et pour cause, l'observatoire de la crise de l'université américaine de Beyrouth avait auparavant lancé la sonnette d'alarme en estimant que "le pire n'est pas encore arrivé!". Ce pronostic a contribué largement à la sensibilisation de la rue libanaise et à sa "prise de conscience" quant à la "gravité de la situation" et à la "nécessité de réagir". "Aujourd'hui, nous voulons ressusciter la révolution dans la rue car le peuple et le pays sont morts", déclare un manifestant, Anthony Douaihy. "Si nous ne leur faisons pas face (...), cette classe corrompue nous gouvernera pendant 30 années supplémentaires", ajoute-t-il à des médias. Depuis un an et demi, le Liban vit au rythme d'un effondrement économique sans précédent, aggravé par la pandémie et une explosion tragique en août 2020 au port de Beyrouth. Outre des licenciements massifs et une augmentation importante de la pauvreté, la crise s'accompagne d'une dépréciation de la livre qui a perdu plus de 85% de sa valeur, provoquant une inflation à trois chiffres. Et la livre libanaise a connu ces derniers jours une nouvelle dégringolade record: le dollar américain a frôlé les 11.000 livres sur le marché noir -contre un taux officiel maintenu à 1.507 livres pour un dollar-, provoquant une nouvelle flambée des prix. Sans oublier l'épuisement progressif des réserves en devises de la Banque centrale, allouées à la subvention des produits alimentaires de base, qui fait craindre le pire. En décembre, la Banque mondiale (BM) a évoqué dans un rapport accablant une "dépression délibérée", épinglant l'"inaction" de la classe politique "inchangée depuis des décennies". En octobre 2019, des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue pendant des semaines, poussant à la démission le gouvernement de Saad Hariri. La contestation a fini par se tasser sous l'effet de la pandémie de Covid-19 et de la formation d'un nouveau gouvernement. Mais ce dernier a aussi démissionné juste après l'explosion au port, un drame imputé à la négligence des autorités et qui a fait plus de 200 morts et détruit des quartiers entiers. Le Liban attend depuis sept mois la formation d'un nouveau gouvernement mais les partis au pouvoir restent absorbés par des "marchandages" sur la répartition des portefeuilles. La formation d'un gouvernement est pourtant nécessaire pour le lancement de réformes dont le pays a tant besoin et pour débloquer des aides internationales maintes fois promises .