Sympathisant de la lutte du Front Polisario pour l'indépendance du Sahara occidental, Nelson Mandela a eu "une attitude évolutive" face à cette question, affirme samedi l'ancien diplomate Noureddine Djoudi. "Face à la lutte du peuple sahraoui Nelson Mandela a eu une attitude évolutive, de l'apparent refus de reconnaissance de jure de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) au soutien plein et entier à celle-ci", écrit ce diplomate dans une contribution adressée à l'APS, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale consacrée à Nelson Mandela. Selon ce diplomate, "si Mandela a pris une position ferme de soutien au peuple palestinien, cet immense symbole de la résistance de l'Afrique à l'oppression et à l'apartheid s'est démarqué, lors de ses premières années au pouvoir, de la position algérienne sur la question du Sahara occidental, et singulièrement de la reconnaissance officielle de la RASD". "S'agissant de la reconnaissance officielle de la RASD, si je voue une admiration réelle pour ce géant de l'Histoire, force m'est d'admettre que Madiba a néanmoins été prisonnier de sa nature profondément humanitaire et sa bonne foi trompée par la réalité sur le terrain", a-t-il estimé dans cette contribution intitulée "Nelson Mandela: de la guerre de la libération algérienne à son soutien aux mouvements de libération: le Polisario comme modèle". Il a rappelé, à ce titre, que Mandela a annoncé dans un premier temps "sa reconnaissance de la RASD. Mais aussitôt une pression terrible fut exercée sur lui pour le contraindre à y renoncer. Et c'est là que faute de pouvoir résister aux pressions menaçant la liberté nouvellement retrouvée, Mandela décidait d'une prise de position qui lui permettait à la fois de céder provisoirement à la pression pour une non-reconnaissance mais fixait pour but in fine de retarder et non de renoncer à la reconnaissance de la RASD". Evoquant les acteurs de ce groupe de pression, M. Djoudi pointe du doigt l'ancien dirigeant de l'OLP (Organisation de la libération de la Palestine), feu Yasser Arafat. "Quel que soit le principe de notre soutien à la cause juste de la Palestine, on ne peut passer sous silence l'influence de Yasser Arafat dans cette affaire. Mandela accordait une immense confiance à Abou Amar dont il soutenait la lutte et appréciait ses points de vue", a-t-il affirmé. Citant des sources "très crédibles", l'ancien diplomate algérien soutient que "le leader de l'OLP avait souligné lors de ses entretiens avec Mandela sa conviction qu'il fallait éviter de braquer le souverain marocain et que la négociation était la seule solution au conflit qui opposait des peuples frères. Il avait notamment cité comme exemples la fin de la guerre en Algérie par les accords d'Evian, la reconnaissance de l'Etat palestinien par Israël du fait des accords d'Oslo, voire même la fin de l'apartheid grâce aux négociations entre Mandela et De Klerk". Influence de Yasser Arafat "Ce faisant, Abu Amar touchait à une corde particulièrement sensible chez Mandela, celle de sa foi ancienne en la non-violence et la volonté d'éviter une guerre entre frères africains. C'était là le point faible dans l'approche de Mandela, celui d'établir une similitude dans le comportement de colonisateurs européens en Afrique, chassés par les combattants de la liberté africains et forcés à négocier, d'une part, et un colonisateur africain celui-là, d'autre part", a-t-il estimé. La liste du groupe de pression s'étend également à l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Anan, qui "soutenait que la reconnaissance de la RASD par l'icône qu'était Mandela pouvait créer un sérieux obstacle aux efforts de l'ONU pour parvenir à une solution juste de la question "délicate" du Sahara Occidental", a-t-il ajouté, sans oublier "la pression de membres du Conseil de Sécurité que sont la France et les USA et leurs buts inavoués". "Face à cette énorme pression, Nelson Mandela a voulu, de bonne fol, donner au Maroc une chance de revenir à la légalité et au respect du dispositif de la Charte de l'UA relatif à +l'intangibilité des frontières héritées du colonialisme+", a-t-il expliqué. Il en veut pour preuve, sa déclaration en décembre 2013 et qui était "tout à fait explicite". Ce jour là, Mandela déclarait: "j'ai dit à Hassan II que je reconnaitrai le Front Polisario, mais que je ne reconnaitrai pas la RASD, vu le processus de paix en cours, mais si ce processus tardait trop longtemps, nous serons obligés de reconnaitre aussi la RASD". Son successeur, le Président M'Beki, a-t-il poursuivi, "a dû respecter la démarche proposée par Mandela. Toutefois, la MAE, Mme Dlamini Zuma, était convenue avec le MAE de la RASD de proclamer en 2001, par un communiqué commun, la reconnaissance officielle de la RASD par le Gouvernement sud-africain". "Mais une fois de plus, cette reconnaissance fut ajournée", a-t-il déploré. Néanmoins, "grâce à l'activité continue et efficace de la diplomaties sahraouie, s'appuyant sur les termes même de la déclaration de Mandela, appuyée également par la diplomatie algérienne, les présidents Mandela et M'Beki, lassés du refus marocain d'entendre raison et de saisir l'occasion que la sagesse lui offrait, décidaient finalement de reconnaitre officiellement la RASD comme Etat souverain, membre de plein droit de l'OUA et membre fondateur de I'UA, dont une partie du territoire est occupée par le Maroc, sa population martyrisée et ses richesses pillées avec la complicité d'une ex-puissance coloniale européenne et de lobbies et de groupes commerciaux occidentaux", a-t-il encore rappelé. Il a jugé, à ce titre, qu'il "est indéniable qu'aujourd'hui l'Afrique du Sud, son gouvernement, son peuple et ses institutions sont à l'avant-garde de l'exigence du droit du peuple sahraoui à l'indépendance et à la vie de la dignité pour lesquels le Polisario et la République Sahraouie ont consenti et continuent à consentir tant de sacrifices face à la barbarie de la soldatesque du Makhzen". L'ancien diplomate a qualifié, dans ce contexte, d'"immonde" l'alliance entre le Makhzen et Israël à l'effet de "pérenniser le nouvel apartheid au Sahara et de déstabiliser le Maghreb".