L'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) a demandé mardi à la France d'aller "jusqu'au bout" du processus judiciaire dans le dossier de l'opposant progressiste Mehdi Ben Barka, enlevé à Paris en octobre 1965 puis assassiné dans des circonstances non encore élucidées. "Dans son rapport 2009 sur les violations des droits humains au Maroc, l'AMDH demande à la France d'aller jusqu'au bout du processus judiciaire pour mettre la lumière sur le dossier de l'enlèvement et de l'assassinat de Ben Barka", a indiqué à la presse Mme Khadija Ryadi, présidente de l'AMDH. Ce "crime d'Etat", ainsi qualifié par nombre d'associations françaises des droits humains, remonte au vendredi 29 octobre 1965, lorsque le militant tiers-mondiste Mehdi Ben Barka, avait rendez-vous à la brasserie Lipp, boulevard Saint Germain, à Paris, avec un journaliste, un producteur et un scénariste, pour discuter de la préparation d'un film sur la Tricontinentale. Le militant marocain fut enlevé et les conditions de sa mort n'ont pas été établies, malgré plusieurs instructions judiciaires. Près de 45 ans après l'assassinat du militant progressiste marocain, "la vérité sur ce crime d'Etat fait toujours peur", avait noté l'avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin, lors d'un colloque à Paris sur la criminalité politique. Malgré la longue instruction du juge Zollinger, puis les deux procès devant la Cour d'Assises de la Seine, en 1966 et 1967, et les investigations poursuivies depuis 45 ans par sa famille dans les dédales des procédures judiciaires, les circonstances exactes de l'assassinat de Mehdi Ben Barka, l'identité des assassins, le lieu de sa sépulture et la multiplicité des témoignages parfois contradictoires, "sont autant d'énigmes restées sans réponses", avait noté Me Buttin. Ces "verrous" avaient été dénoncés, lors du premier procès sur l'affaire Ben Barka en 1966, par le bâtonnier Thorp, le premier des avocats de la partie civile, avait rappelé Me Buttin, se demandant "qui cherche-t-on encore à protéger". Autant d'interrogations également soulevées, lors de différents forums, par le fils de l'opposant marocain, M. Bachir Ben Barka. "La vérité est-elle à craindre à ce point? La raison d'Etat veut-elle cacher des implications plus importantes", s'était-il interrogé, rappelant que sa famille avait, dès 1975, déposé une plainte pour précisément "assassinat" et non plus "enlèvement", mais "aujourd'hui, on ne connaît que des bouts de vérité". Pour la présidente de l'AMDH, "en empêchant les témoins de faire leurs déclarations, l'Etat marocain a toujours cherché à entraver les efforts de la justice française visant à élucider ce dossier". "Ce dossier a une forte symbolique. C'est un critère permettant de mesurer la volonté politique (du Maroc) pour atteindre toute la vérité sur le sort de Mehdi Ben Barka", a-t-elle ajouté. D'autre part, en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en 2009 au Maroc, l'AMDH relève qu'il "y a une absence de volonté politique pour mettre en application les engagements de l'Etat marocain" dans ce domaine. L'AMDH a enregistré "plusieurs cas de torture et d'enlèvement", ainsi que des "procès inéquitables contre des militants, notamment islamistes, et des journalistes".