C'est l'été et comme partout ailleurs, les pastèques et les melons s'amoncellent partout où c'est possible. C'est ce qu'on peut voir aussi le long de la RN84 A qui mène de l'aéroport vers El Kala, précisément entre Gueriât et Berrihane. El Tarf. De notre correspondant Sauf que là, une grande partie de ces fruits, succulents forcément, proviennent de la destruction à grande échelle d'un petit coin de paradis qui jusqu'ici on croyait épargné de la furie dévastatrice des hommes et de leur avidité. Loin des regards, loin de tout, un crime innommable se perpétue dans le silence de la complicité. Des dizaines d'hectares de pinède sur dunes littorales sont détruites à la tronçonneuse pour faire de la place à des parcelles pour la culture des pastèques. Et pour irriguer les parcelles, on a outrageusement pompé jusqu'à assécher complètement de sublimes petits plans d'eau, splendides zones humides restées à l'abri des regards, parce qu'inaccessibles, et que l'on pouvait découvrir, stupéfaits par le spectacle, à la faveur d'une trouée dans le magnifique sous-bois de lentisque, d'oléastre, de genévrier, de myrte et de ciste qui ont pris possession des lieux à l'ombre des pins. Alertés par des scientifiques de l'université de Annaba, qui ont découvert le forfait au cours de leurs travaux de terrain, nous nous sommes rendus sur les lieux pour découvrir l'ampleur des dégâts. Le reboisement de pins maritimes qui couvrent et protègent les fragiles et vulnérables dunes littorales est mis en péril par les parcelles défrichées pour les pastèques, notamment autour de Ghoud El Bourk, une dépression avec deux magnifiques plans d'eau aujourd'hui disparus par le fait de grosses motopompes encore sur place. On a abattu les grands arbres à la tronçonneuse pour les vendre à des acheteurs de Benazouz (Skikda), qui ont pignon sur rue dans le commerce du bois. A défaut, on y a mis le feu, pour aller plus vite… Le forfait n'est pas récent, car visiblement, les parcelles qui ont de 5 à 10 ha de superficie sont nettes et bien entretenues par leurs propriétaires, si on peut appeler les auteurs des ces graves infractions ainsi, car indéniablement, nous disent des gens du coin, ils ont reçu le feu vert des autorités. De tels actes, visibles sur photos satellites, ne peuvent passer inaperçus. « Nous avons vu des véhicules de la gendarmerie et des services forestiers circuler dans le coin, donc ils sont au courant depuis le début et ils n'ont rien fait pendant tout ce temps. » C'est de cette manière que des habitants du coin, qui s'élèvent contre les ravages causés par leurs propres voisins, s'expliquent la complicité des services concernés. Ils sont certains qu'il y a caution et protection des autorités, car quelques-uns de ces exploitants n'ont pas hésité, après avoir asséché les plans d'eau environnants, à investir gros pour chercher l'eau plus au Sud bien au-delà de la route dans l'oued El Kébir. Ils ont dépensé des sommes colossales pour installer une conduite d'eau de plus de 5 km de long, jalonnée de motopompes. Pour Slim Benyacoub, professeur en écologie de l'université de Annaba : « Cette zone bien connue des naturalistes se caractérise par l'existence d'une faune et flore entomologiques (insectes) et herpétologique (reptiles) qui jouent un grand rôle dans la régulation des populations d'insectes dérangeantes pour l'homme et les cultures en irrigué favorisent l'apparition de champignons, moisissures et insectes vulnérants et peuvent contribuer à favoriser des maladies réémergentes. » En clair, les ravages déjà causés vont être suivis par d'autres qui, non seulement, menacent les cultures elles-mêmes, mais pourraient également atteindre les populations locales. Contactés, les services forestiers de la wilaya nous ont appris qu'une dizaine de personnes sont poursuivies dans la commune de Berrihane, mais renseignements pris, ce n'est pas dans le secteur concerné. Vraiment curieuse cette histoire !