Comme les autres régions d'Algérie, celle du nord-ouest a donné une riche tradition orale littéraire avec d'illustres poètes. L'un des plus connus est Ben Msayeb, décédé en 1768 à Tlemcen qui laissa des odes religieuses marquantes comme des textes profanes où il sublimait l'amour et les plaisirs. A sa poésie amoureuse s'attachent des anecdotes plus ou moins légendaires, telle celle qui veut qu'il se réfugia au Maroc pour avoir osé éprouver des sentiments pour l'épouse du gouverneur ottoman de la ville ! Un autre poète tlemcénien, Sidi Ahmed Benttriki, qualifié de « chantre du printemps et de l'amour », vécut entre le XVII e et le XVIII e siècle. Lui aussi écrivait des poèmes d'inspiration religieuse dont le fameux Hymne au Prophète . Toujours dans cette cité, le XVIIIe siècle vit Mohamed Bensalah s'engager dans la poésie amoureuse dont il reste un des plus importants représentants au Maghreb. Son fils, Boumediène Bensalah, emprunta les mêmes chemins et il est l'auteur du fameux Kif aâmali ou hilti (Que faire et quelle est l'issue ?), qui demeure un chef-d'œuvre d'expression de la passion et du désespoir amoureux. Du côté de Mostaganem, au XVIIe siècle, c'est Sidi Lakhdar Benkhlouf qui s'imposa à la fois comme un poète et un modèle de foi. Sur un registre très mystique, il a consacré presque toute son œuvre aux louanges du Prophète. N'ayant jamais eu les moyens d'effectuer le pèlerinage, il affirma avoir rêvé 99 fois du Prophète. Vénéré comme le patron spirituel de la région, son mausolée se trouve dans le village qui porte son nom. Mascara ne fut pas en reste de cette création poétique avec notamment deux figures éminentes : le cheikh Bel Abbas et Benguenoune. Le premier, auXIXe siècle, toucha aussi au répertoire courtois mais on lui connaît également, des poèmes de dénonciation de l'injustice et de l'oppression coloniale. Il a été comparé ainsi au poète kabyle Si Mohand ou M'hand pour son côté désabusé et révolté. Le deuxième a laissé notamment deux poèmes réputés : Goul l'si Mohammed la ighedel haleq (Dis à Si Mohammed de ne pas se laisser abattre) et Addalma (l'injuste). Il ne s'agit là que de quelques grandes figures de l'art poétique de la région . La diffusion de leurs textes indique bien qu'à cette époque, la poésie avait une audience très forte dans tous les milieux. En entrant dans le répertoire musical, comme le chaâbi algérois au XXe siècle, leurs textes ont pris une dimension populaire qui dépasse les époques.