L'histoire a commencé sur un bateau. Guy Cotten passait l'après-midi avec son ami Yvon Hemery, un instituteur qui a fondé l'école de voile de Rosbras, à Riec-sur-Belon, dans le Finistère Sud. Alors que tous deux faisaient des ronds dans l'eau en surveillant un cours de voile sous un crachin typiquement breton, Yvon Hemery peste : « Pourquoi personne n'a encore imaginé un vêtement qui soit aussi efficace que la vareuse et aussi pratique qu'une veste ? » Comprenez : qui coupe du vent de la même façon mais qui soit plus facile à enfiler et plus imperméable que le lourd coton enduit. Cette question ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. Moins d'une semaine apés, Guy Cotten revient en 1960, au centre nautique de son ami et fait tester aux élèves le prototype d'une veste à fermeture à glissière et double patte Velcro. Guy Cotten fabriquait déjà, depuis quatre ans, quelques vêtements de pêcheur. Sa femme, qui a une formation de couturière-patronnière et qui a travaillé dans une voilerie, l'aide. Papa coupe et maman coud. Leur premier ciré marque, en effet, le début d'une véritable histoire familiale. Aujourd'hui, Guy et Françoise Cotten sont toujours là, installés près du port de pêche de Concarneau. Leur fille, Nadine, qui a fait le tour des services de l'entreprise, vient d'en reprendre la barre. Il y a aussi le gendre, responsable des achats, l'autre fille, directrice commerciale, le frère qui a longtemps supervisé la coupe. La première génération est en train de passer le relais à la seconde, mais le produit qui a fait sa renommée, la veste Rosbras (le nom officiel du ciré jaune), n'est pas près de céder sa place dans le placard des marins. Il a certes connu quelques améliorations grâce à une écoute attentive des clients. « Depuis toujours, le bureau d'études, c'est au bout du quai », scande-t-on ici. C'est ainsi que la capuche à visière, qui avait une fâcheuse tendance à rester droite quand on tournait la tête, a récemment été améliorée. Plus souple, elle accompagne maintenant les mouvements du corps. Idem pour les poches, désormais en biais et thermo-collées à la veste elle-même, afin d'éviter qu'elles ne se déchirent, ou pour les poignets des manches, plus confortables. Pourtant, les caractéristiques de base qui ont fait son succès n'ont pas changé. Le tissu d'abord. Cette maille de polyester recouverte d'une induction de PVC arrive toujours d'Ardèche par rouleaux. Elle se décline désormais en plusieurs qualités suivant son destinataire. Plus épaisse pour les pêcheurs d'Alaska ou les agriculteurs français, plus légère quand il s'agit des marins espagnols, plus souple pour les plaisanciers bretons… Une nouvelle version, plus respirante, vient également de sortir. Mais quelle que soit son épaisseur, sa résistance reste à toute épreuve. Guy Cotten n'aime d'ailleurs rien, tant qu'en faire la démonstration concrète devant ses visiteurs : il donne un coup de couteau dans la toile et tire sur le trou. Rien ne bouge, le tissu ne se déchire pas. Autre caractéristique de l'objet : sa couleur. Là encore, les variantes sont minimes. Le jaune des débuts, choisi pour des questions de sécurité, car c'est le coloris que l'œil repère le plus vite, continue de remporter la palme. Trois nouvelles teintes sont, toutefois, entrées au catalogue au fil des ans : le vert foncé, le marine et le blanc. Rien de plus. Mais le vrai succès de cette veste vient surtout de sa fabrication et de la brillante idée de Guy Cotten de doubler les coutures de deux soudures à haute fréquence.