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Entre logique commerciale et administration du prix
Le billet d'avion coûte cher pour les algériens
Publié dans El Watan le 12 - 08 - 2008

On aime l'Algérie, mais on n'aime pas être pris pour des vaches à lait ! Billets trop chers, peu de prestations, pas de concurrence. Le gouvernement algérien garde les bras croisés. »
Cela ressemble à un cri de détresse que vient de lancer un groupe d'Algériens vivant à l'étranger sur un blog créé spécialement pour enclencher « une campagne pour le boycott de la destination Algérie l'année prochaine ». Une campagne qui viendra contrecarrer celle lancée, au début de cet été, par le ministère du tourisme et celui de la solidarité et de la communauté nationale à l'étranger en vue de promouvoir la même destination. C'est dire que le discours politique demeure encore en déphasage avec la réalité du terrain. Ce même groupe d'émigrés, qui veut sensibiliser un grand nombre d'algériens vivant notamment en Europe, justifie sa position par la cherté du billet d'avion durant la période estivale. Période de rush. Il conteste contre une situation qui, estime-t-il, défavorise les émigrés. « Nous en avons assez de payer des sommes faramineuses pour aller voir la famille en Algérie. Nous en avons assez de ne pas arriver à passer des vacances dignes de ce nom au pays après une dure année de labeur. Nous en avons assez de devoir réserver nos billets d'avion ou de bateau 6 mois avant notre départ. Nous en avons assez de patienter des heures pour avoir un billet. Nous en avons assez qu'Air Algérie profite de sa situation de monopole. Nous en avons assez que le pouvoir algérien ne fasse rien pour régler cette situation qui perdure depuis plusieurs décennies. Nous en avons assez de voir des billets parfois à plus de 1000 euros pour deux heures de vol, alors qu'à ce prix il est possible d'aller à l'autre bout du monde », crient ces internautes algériens qui peinent à revoir leurs parents et leurs amis au bled pour une question de billets d'avion. « L'objectif de cette campagne n'est pas de boycotter définitivement notre pays bien-aimé, il s'agit uniquement de montrer l'ampleur de ce sentiment partagé par beaucoup de compatriotes pour, peut-être, enfin être traités comme il se doit : en tant qu'être humain », ajoutent-ils. Il s'agit là d'une véritable mise en garde d'abord à l'adresse des compagnies aériennes activant sur le marché algérien et, ensuite, pour les autorités compétentes qui doivent réfléchir à une solution idoine à ce problème. Un problème dont souffrent aussi des algériens vivant en Algérie et qui font, souvent, mille et un calculs avant de décider de prendre l'avion pour passer leurs vacances en dehors du territoire national. Et pour cause, le prix du billet est administré et fixé par la direction de l'aviation civile.
La haute et la basse saisons…
Pourquoi payer cher pour rentrer ou sortir du pays ? L'Algérien est-il condamné à débourser toutes ses économies pour s'offrir un voyage de quelques jours à l'étranger ? Nous avons posé ces questions aux responsables des principales compagnies activant sur le marché du transport aérien en Algérie. Ces derniers donnent des explications purement commerciales. Pour eux, il faut faire des comparaisons « raisonnables » : tarifs promotionnels à tarifs promotionnels ou tarifs pleins à tarifs pleins (ce dernier est appliqué durant la haute saison). Le PDG d'Air Algérie (pavillon national), Wahid Bouabdallah, affirme que le tarif appliqué actuellement est très compétitif. « Le niveau des tarifs que vous relevez pour des trajets Alger-Europe est un niveau tout à fait compétitif sur ce marché. Il diffère peu des tarifs pratiqués par nos concurrents. Mais il s'agit du tarif plein. Comme vous le savez, sur certaines de ces lignes, nous avons des tarifs promotionnels qui sont à moitié moindres », explique-t-il. Le patron du pavillon national évoque, dans ce sens, le bouleversement des tarifications engendré par l'arrivée sur le marché des compagnies Low Cost (compagnies à bas prix). « De plus en plus, et grâce aux nouveaux moyens technologiques, les compagnies aériennes introduisent des systèmes de tarifications souples, modifiables en temps réel. C'est ce qu'on appelle dans le jargon aéronautique le yield management. Ce qui fait que deux passagers sur un même vol et voyageant sur une même classe auront payé des tarifs pouvant varier de 1 à 10, selon qu'ils aient réservé plus ou moins à l'avance. C'est ce mode de tarification qui fait que les prix des billets peuvent connaître des différences imprévisibles », ajoute-t-il. Répondant à la même question, Jean-François Fauveau, responsable d'Air France en Algérie, abonde dans le même sens. « D'abord, il faut comparer ce qui est comparable. Souvent, on compare des tarifs promotionnels appliqués pour les voyages Europe-USA à des tarifs pleins à partir d'Alger vers l'Europe. Ce qui n'est pas raisonnable. Il faut comparer des tarifs promotionnels », déclare-t-il. La cherté du billet trouve, selon lui, son explication dans la particularité du marché algérien. Un marché qui est, dit-il, extrêmement saisonnier et directionnel. « Ce n'est qu'en une courte période de l'année (l'été) que les vols sont complets dans les deux sens », explique-t-il. Logique commerciale pour les compagnies aériennes. Pour amortir leur perte durant la basse et la moyenne saisons où le client est recherché à la loupe, ces dernières n'ont, semble-t-il, pas le choix. « Il y a des périodes où nous sommes vraiment à la recherche du client et là nous faisons des promotions. C'est pareil pour tous les marchés du monde », enchaîne-t-il.
L'intransigeance de la direction de l'aviation civile
Pour sa part, Boukhalfi Abdelaziz, responsable commercial d'Aigle Azur, pointe du doigt la direction de l'aviation civile. « Il n'y a pas de liberté des prix. Toutes les compagnies sont obligées d'appliquer les mêmes tarifs et la différence ne peut venir que de la prestation. Le prix est régi par la direction de l'aviation civile. Dans d'autres pays où il y a une liberté des prix et les compagnies sont libres d'appliquer les tarifs qu'elles souhaitent », argumente-t-il, en affirmant que le marché algérien est le plus grand marché pour sa compagnie. Notre interlocuteur aspire à une libération des prix à la faveur de l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pour améliorer la situation, souligne-t-il, Aigle Azur a adopté, depuis 2003, la politique des tarifs promotionnels. « Auparavant, cette politique a été appliquée pour les étudiants et les personnes âgées », précise Boukhalfi Abdelaziz. Toutes nos tentatives d'avoir un avis des responsables de la direction de l'aviation civile se sont avérées vaines. Aucun responsable n'a voulu s'exprimer sur le sujet. Cependant, le client algérien ne veut pas entendre ces explications purement techniques. Ce qui importe pour lui, c'est le coût du billet et la qualité de service. Il charge alors la compagnie nationale qui, pour lui, symbolise « la médiocrité ». Interrogé à ce sujet, le PDG d'Air Algérie reconnaît les charges retenues contre sa compagnie. « Il faut en effet le reconnaître : nos performances de qualité de services sont très insuffisantes », lance-t-il. Pourquoi ? « La raison, à mes yeux, tient surtout du fait que le management de la compagnie n'a pas placé la qualité de services au centre de ses préoccupations et n'a pas mis en place les mécanismes de suivi et de contrôle pour faire le monitoring permanent de nos performances dans ce domaine », indique-t-il, en s'engageant à améliorer la situation. Concernant les nombreux retards des avions d'Air Algérie, l'interlocuteur fait savoir que la compagnie souffre d'un déficit en matière d'appareils. « Bien que la compagnie ait pu renouveler durant ces dernières années une partie de sa flotte, nous accusons toujours un déficit en appareils. Nous ne pourrons combler ce déficit que lorsque nous aurons renouvelé l'ensemble de notre flotte. Et c'est précisément ce manque de capacités qui fait que nos programmes sont toujours très tendus et donc vulnérables à tout incident qui se traduit immédiatement par des retards ; lesquels, se cumulant, entraînent un effet de cascade », justifie-t-il.
Les lignes intérieures en souffrance
Si les algériens contestent la prestation d'Air Algérie et d'autres compagnies sur les lignes extérieures, pour les lignes intérieures c'est sans commentaire. A la cherté du billet, il faut ajouter le manque flagrant de vols. La flotte d'Air Algérie, qui détient le monopole sur les lignes intérieures, ne répond pas aux besoins. Le responsable d'Air Algérie est conscient de la situation et promet des améliorations. « C'est vrai que la flotte destinée au réseau intérieur ne répond pas aux besoins. Pour résoudre ce problème, l'Etat nous a permis d'acheter quatre avions pour les lignes intérieures. Je pense que nous serons très à l'aise. A partir de là, nous allons faire des navettes », rassure-t-il. Mais le problème, explique-t-il, réside dans l'absence du hub. « Nous allons créer un véritable hub ici à Alger qui peut faire des continuations et un hub à Ghardaïa qui sera destiné pour les régions pétrolières, le sud et l'Afrique », annonce-t-il. Inscrit dans le programme de développement de la compagnie pour l'année 2008, la création d'un hub à Ghardaïa est confrontée à un autre problème, celui de l'absence de base logistique et de maintenance. « Cela sera très coûteux, mais nous irons résolument », tranche-t-il. En attendant, le client algérien doit prendre son mal en patience…


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