En 1958, Moh Ouali fit la connaissance, à Paris, de Dahmane El Harrachi. Ils ont animé ensemble, plusieurs soirées artistiques en France notamment. L'enfant prodige de Tizi Tamlelt, a côtoyé également d'illustres chanteurs kabyles, à l'image de Cheikh El Hasnaoui. La semaine dernière, à l'âge de 74 ans, un vibrant hommage lui a été rendu dans la région d'Iflissen, en Kabylie maritime. Le village était mobilisé pour préparer la fiesta. Cette fête, unique dans la région, est l'affaire de tous les Iflissen, comme elle est également l'occasion pour tous de vivre des moments mémorables. Le dynamisme des jeunes de Tizi Tamlelt, dans la daïra de Tigzirt, à 50 kilomètres au nord du chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, attire l'attention. Ils réussissent à sortir leur village de la torpeur en comptant seulement sur leur volonté inflexible. Ainsi donc, mercredi dernier, cette bourgade de la commune d'Iflissen, a vécu une journée particulière, à l'occasion des activités organisées en hommage à l'un des artistes de la région, Hakem Mouh Ouali, en l'occurrence. Jamais dans les annales de la localité, un événement similaire n'a vu le jour, dans ces contrées lointaines qui gardent farouchement l'esprit de solidarité ancestrale. Les membres de l'association culturelle Yemma Akerma, épaulés par le comité de village, ont magistralement réussi leur pari, celui d'organiser une manifestation grandiose. Celle-ci n'a rien à envier, sur tous les plans, à des activités culturelles soutenues ou plutôt financées avec l'argent du contribuable. Hormis l'apport matériel de l'APC, les membres du comité d'organisation se sont contentés de l'aide des villageois et autres commerçants de la région afin de parvenir à réunir le financement de cet événement. Effectivement, tout un chacun à mis la main à la poche pour aider l'association, d'autant plus qu'il s'agit d'une manifestation en l'honneur de Moh Ouali Hakem, un personnage très estimé et adulé, aussi bien pour son attachement viscéral à la chanson que pour ses qualités humaines indéniables. C'est un homme d'une grande simplicité. A cœur vaillant rien d'mpossible. Au bout des journées harassantes, tout était bel et bien fin-prêt pour donner le coup d'envoi à la manifestation. Comme il fallait s'y attendre, des milliers de personnes venues de différents horizons ont déferlé, ce jour-là, dans les ruelles étroites du village qui s'est paré de ses plus beaux atours afin d'accueillir ses invités. Les ingrédients du succès sont simples : des bénévoles, des talents et de la bonne humeur au service du plaisir général. Ce mercredi festif est rythmé par des activités culturelles en mesure de donner un cachet particulier à l'événement. Le programme était varié : une exposition photos et de documents retraçant le parcours artistique de ce virtuose, une conférence, des chorales, des récitals de poésie, un gala étaient de la partie. L'information concernant l'organisation de cet hommage a été diffusée à grande échelle. Ils sont venus de partout. De Makouda, de Ouaguenoun, et même de la haute Kabylie, histoire de ne pas rater l'hommage de celui qui était le bras droit de Dahmane El Harrachi. « C'était la belle époque, celle où Da Moh Ouali nous régalait avec ses fameuses chansons chaâbies. Je me rappelle bien, il était souvent sollicité pour animer des galas de mariage à travers plusieurs régions de la Kabylie. Il aurait pu devenir un maître si… Je ne sais pas pourquoi il n'a pas enregistré ses chansons », dira un quadragénaire au gala qui a donné le ton à la soirée de mercredi dernier. Cette dernière était grandiose du fait que des chanteurs à la notoriété bien établie ont répondu favorablement à l'invitation. Le stade du village s'est avéré trop exigu pour contenir une foule bigarrée qui a suivi les productions des artistes jusqu'à l'aube. C'était merveilleux. Ouvrant le bal, Moh Ouali monte sur scène pour emballer le public avec sa guitare et sa voix. Il a interprété un répertoire musical rempli d'amour et de combat à travers les thèmes qui lui sont chers. Très ému, il prononcera quelques mots : « Je vous remercie du fond de cœur », lancera-t-il à l'adresse de la foule qui répliquera par un grand tonnerre d'applaudissements. Cherif Hamani, Ali Ideflawen, Moh Saïd Fahem, Mohand Akli Belkheir, entre autres, étaient là pour agrémenter le public de belles combinaisons qui mêlent humour et mélodie avec une tendance exploratrice. Chanteur et compositeur de talent, issu d'une famille modeste, Moh Ouali est connu comme étant un grand artiste et poète lyrique qui a composé des textes que ni le temps ni les vicissitudes de la vie ne pourront faire oublier. Comme beaucoup de chanteurs de sa génération, il a commencé à fredonner ses premières mélodies dès son jeune âge. Fuyant la misère, il a quitté, en 1952, soit à l'âge de 18 ans, son village natal et embarqua pour la France où il a persévéré dans la chanson, en composant plusieurs chansons, dont la quasi-totalité n'a pas a été éditée. Il a chanté l'immigration, l'exil et la nostalgie pour son amour au pays. Le chanteur a traité divers thèmes avec une rare sensibilité dans des chansons magnifiques pleines d'émotion et de subtile tendresse. Il savait bien choisir scrupuleusement les mots qu'il mariait avec des sons pour en faire des œuvres palpitantes. Durant son itinéraire et partiellement pendant son émigration en France, Moh Ouali avait côtoyé d'illustres chanteurs de la musique chaâbie, à l'image de Dahmane El Harrachi et Cheikh El Hasnaoui. L'hommage grandiose qui lui a été rendu, la semaine dernière, confirme que l'artiste était un maître, parce qu'aujourd'hui ses chansons représentent un repère pour de nombreux chanteurs, d'ailleurs. Le digne fils d'Iflissen a été honoré, dans son village natal, par les siens qui lui ont rendu un vibrant hommage. Il le méritait amplement.