Le complexe moteurs-tracteurs de Oued H'mimime, situé à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Constantine, traverse une situation difficile. La chaîne de production est à l'arrêt depuis le mois de juillet 2007. L'entreprise nationale est mise à mal par la mévente d'un millier d'engins. Mohamed-Kamel Djamaâ, PDG du CMT, exprime dans cet entretien son inquiétude quant à l'avenir de ce fleuron de l'industrie nationale qui ne s'est jamais porté aussi mal depuis sa création. Cette situation risque de s'aggraver. Votre entreprise fait face à une mévente de ses produits. Qu'en est-il exactement ? Depuis le début de l'année en cours, il y a un niveau de vente qui se situe aux environs d'une centaine de tracteurs par mois, soit directement par le CMT, soit par l'entreprise commerciale PMAT. Depuis la fin du mois de juillet dernier, le stock a été réduit et nous avons actuellement un niveau qui avoisine le millier de tracteurs. Cette quantité qui demeure tout de même significative, nous a poussés l'année dernière à arrêter la production et le montage du produit fini du tracteur. Et depuis, nous n'avons plus monté aucun tracteur pour ne pas aggraver encore plus la situation. Je tiens à préciser que la fabrication de tracteurs nécessite des achats, de l'importation de matières premières et de pièces pour payer un produit qui allait être stocké. Pis encore, plus le stockage dure, plus la qualité se détériore. Nous avions projeté, en 2007, une production de 1200 tracteurs, car nous avions pensé que les dispositifs allaient être mis en œuvre et que les produits fabriqués allaient être écoulés avant la fin de l'année. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Pour cette année, nous avons programmé uniquement 400 tracteurs, mais nous venons de présenter à la Société de gestion et de portefeuille (SGP) un budget révisé qui se traduit par la suppression totale du montage, sinon, en fin d'année 2008, nous aurons encore un stock de près de 100 tracteurs. Un tracteur coûte un 1 500 000 DA, c'est beaucoup d'argent. Dans ce même contexte, nous avons récemment signé un accord avec le ministère de l'Intérieur pour la vente de 580 tracteurs pour les différentes communes. En plus du rétrécissement du marché des tracteurs, nous faisons face au problème de réduction du niveau de l'activité des moteurs. Nous sommes dans une situation extrêmement difficile. On a appris également que vous aviez été à l'étranger pour prospecter des marchés et écouler votre produit. Avez-vous réussi à décrocher des contrats ? Nous sommes en train d'expédier des matériels pour homologation au Soudan, Nous avons eu une autorisation pour une exportation temporaire. Ceci dit, il y aura prochainement le chargement de deux tracteurs qui seront envoyés et soumis à l'essai. Une fois ce dernier jugé concluant, le marché pourra se concrétiser. Par ailleurs, nous sommes en train de mener des efforts énormes pour trouver d'autres débouchés à l'extérieur. Nous avons d'ailleurs l'intention de renouer le contact avec l'Irak, bien qu'il soit difficile, afin d'y exporter notre produit. Que préconisez-vous pour sortir de cette crise et y aura-t-il une éventuelle compression des effectifs ? D'abord, je tiens à affirmer qu'à l'issue du conseil interministériel qui s'est tenu récemment, le dossier a été confié au gouvernement pour étude. Néanmoins, nous avons proposé une solution aussi bien au comité de participation qu'au syndicat, qui consiste en la généralisation d'un travail à temps partiel, ce qui nous permettrait de maintenir l'activité. Mais dans le cas où cette solution ne serait pas approuvée par le partenaire social, nous serons alors amenés à opter pour une autre solution qui s'impose à nous : ne pas reconduire les contrats à durée déterminée. Techniquement, économiquement et socialement, cette solution est la moins douloureuse. La fermeture de l'entreprise est une chose qu'on ne peut pas imaginer, car une décision de ce genre aura des conséquences très graves. La solution du chômage technique, quant à elle, n'apportera rien, preuve en est, nous avons vécu cette expérience l'année passée, pendant près de 4 mois où les négociations avec le partenaire social ont beaucoup traîné sans résultat. Nous avons près de 1200 travailleurs avec 40% de contrats à durée déterminée (CDD) et nous sommes en train de projeter pour ce 2e semestre et éventuellement pour le 1er semestre de l'année 2009, une réduction du temps de travail, ça nous permettra de maintenir une activité même réduite pour l'ensemble du personnel. Une chose est sûre, si nous voulons sauver ce qui reste à sauver dans cette entreprise, il faut diminuer de manière drastique les charges. Quelle position occupez-vous sur le marché national ? Le marché national ne peut pas prendre un nombre répondant aux capacités de production de l'entreprise, évaluées à plus de 3000 tracteurs. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans une situation de monopole, mais plutôt dans une situation où le marché et les frontières sont ouverts et où tout le monde veut importer. Avec l'espoir que les activités de l'entreprise allaient reprendre, nous avons lancé des opérations d'approvisionnement. En fait, pour fabriquer l'année prochaine, il faut acheter maintenant. Cela dit, nous avons programmé la fabrication de 1200 tracteurs, en plus des 400 qui le sont déjà. En termes d'achat d'inputs, tous les approvisionnements sont là. Si demain, il y a une reprise, la matière première existe déjà. Nous avons un stock de pièces et de matières pour 1500 tracteurs. Autrement dit, nous avons l'équivalent de 2500 tracteurs. Quelle est votre stratégie pour contrer la concurrence ? Même si nous faisons des efforts pour améliorer la qualité, nous n'avons pas la prétention de concurrencer les grands producteurs étrangers. L'avantage pour nous est de fabriquer un produit robuste avec une autorisation connue, contrairement aux produits actuels fabriqués ailleurs, qui sont bourrés d'électronique et qui posent des problèmes de maintenance très sérieux. Ceci d'une part, et d'autre part, au cours des 10 dernières années, nous avons vendu 7000 tracteurs, dont 5000 exportés vers l'Irak. Avec le programme que le nouveau ministre de l'Agriculture et du Développement rural est en train de développer, il y a l'espoir d'une reprise, étant donné que le principe d'autosuffisance, un principe de souveraineté, existe.