Les avis des différents acteurs de la santé sur la nouvelle liste de médicaments soumis aux tarifs de référence semblent bien partagés. En tout cas, les professionnels de la santé et les concepteurs de la liste, à savoir le ministère de la santé, de la sécurité sociale et celui du commerce, paraissent ne pas être du tout sur la même longueur d'onde. Si les uns parlent d'une démarche réfléchie qui se soucie des équilibres des caisses de la sécurité sociale et du malade, les autres craignent une faillite de ce système et de l'assuré social si le texte venait à être appliqué tel qu'il a été présenté. D'ailleurs, des recours ont été introduits depuis quelques semaines par plusieurs opérateurs afin d'obtenir la révision de la mouture de la liste publiée le 2 juillet dernier dans le journal officiel et dont l'application sera effective à partir du 2 octobre prochain. A signaler que la révision de cette liste doit intervenir, selon la loi, chaque six mois. Mais ce délai n'est pas toujours respecté. Il est à rappeler à ce propos que la révision d'une première liste, qui a concerné les 116 produits, n'est intervenue que deux ans après sa publication. Alors, en quoi pose problème cette nouvelle liste ? Il s'agit en premier lieu de relever la décision prise par le comité national de remboursement de fixer un tarif de référence exclusivement aux personnes qui auront à traiter, pour la première fois, à partir du 2 octobre prochain, des maladies respiratoires et cardiaques. La notification portée en marge des produits – à savoir les bronchodilatateurs et pour la cardiologie – précise que « le tarif de référence est applicable pour le remboursement des prescriptions destinées aux nouveaux malades mis sous traitement à compter de la date de l'entrée en vigueur du présent arrêté ». Il y a aussi lieu de signaler que les tarifs de référence fixés pour certains produits sont inférieurs aux prix publics du générique le moins cher disponible sur le marché : par exemple la gentamicine 80 mg injectable sera désormais remboursée sur le base d'un tarif de référence de 61 DA l'ampoule, alors que son prix actuel est de 66 DA l'unité. Un remboursement par classe thérapeutique Ce cas n'est pas isolé, puisque le méthylprednisolone injectable 40 mg est proposé à 129 DA, alors que le prix unitaire le plus bas disponible sur le marché est de 143 DA. Le comité de remboursement a ainsi décidé, pour cette nouvelle liste, de rembourser les médicaments par classe thérapeutique en mettant toutes les DCI sur le même pied d'égalité. Il est aussi important de souligner que des produits princeps cédés au prix fort ne sont pas tarifés, alors que leurs génériques sont disponibles sur le marché en nombre suffisant pour pouvoir être alignés, comme le stipule par la loi. Contrairement à cela, des tarifs de référence ont été fixés sur la base d'un seul générique disponible ; terbinafine crème, clomifène comprimés, bromocriptine, bétaméthasone/acide salicylique sont autant d'exemples consignés dans la liste publiée dans le journal officiel. L'irregularité la plus frappante est la fixation d'un tarif de référence sur la base d'un générique qui n'existe pas encore sur le marché algérien. Il s'agit d'un traitement destiné à l'hypertrophie bénigne de la prostate dont la gamme de produits princeps est très riche. Un tarif de référence a été fixé pour le produit le moins cher sur le marché, à savoir le permixon, l'unique produit commercialisé dans la DCI serenoa repens. Ce dernier vient d'être aligné sur un générique au prix plus élevé, non encore disponible sur le marché. Le directeur de la sécurité sociale au ministère du travail et de la sécurité sociale et président du comité national du remboursement des médicaments, M. Bourkaib, à qui nous avons exposé toutes ces anomalies, estime que la liste de médicaments soumis au tarif de référence a été élaborée dans un cadre réflechi et concerté. « Tous les partenaires ont été associés à l'élaboration de cette nouvelle liste. Le tarif de référence est le meilleur moyen de réguler le marché et une digue contre les dépenses inutiles », a-t-il expliqué en signalant que « le Snapo nous a confortés dans notre démarche ». Revenant point par point sur les exemples cités plus haut, M. Bourkaib, peu convaincant, affirme que tous les produits ont été étudiés dans les « règles de l'art » et les recours introduits depuis la publication de cette liste le sont aussi. « Des réponses vont être données aux concernés », a-t-il promis. Concernant le tarif de référence pour le remboursement des bronchodilatateurs pour les nouveaux malades, M. Bourkaib étale la revue Prescrire pour expliquer que la mention a été faite volontairement pour « ne pas léser les malades et les assurés sociaux ». Dans quel sens ? Le directeur de la sécurité sociale explique que « de nouveaux mécanismes sont aujourd'hui introduits dans certains médicaments, telle la poudre à inhaler qui risque de ne pas être adaptée à l'ancien malade. Ces produits sont alors alignés sur un tarif de référence pour les nouveaux malades ». Une réponse qui paraît peu convaincante ! Pour ce qui est des questions relatives à l'absence de générique sur le marché ou celles liées aux tarifs inférieurs aux prix publics, M. Bourkaib rejette catégoriquement ces affirmations en se contentant de dire : « nous avons des documents nécessaires pour la commercialisation du générique en question », tout en précisant que « cette liste complémentaire sera actualisée semestriellement et M. le ministre Tayeb Louh a donné des instructions dans ce sens. » Satisfaction chez Saidal A propos de l'évaluation (l'impact pour la sécurité sociale et sur le malade) de la première liste introduite en 2006, M. Bourkaib affirme que « nous avons notre évaluation qui est satisfaisante », sans vouloir avancer le moindre chiffre, ce qu'il considère une information interne au ministère. Du côté de Saidal, c'est l'euphorie. « Pour la première fois, la majorité de nos produits ont été pris comme base pour les tarifs de référence. Nous avons depuis des années demandé l'application de ce tarif et, enfin, nous avons eu gain de cause. Sur 270 produits de Saidal, 96 ont été tarifés. Ce qui permettra au générique de connaître un essor et au malade de payer moins cher ces médicaments », nous confie Zaouani Rachid, directeur général du groupe Saidal. Pour les opérateurs en pharmacie, que ce soient le syndicat algérien des pharmaciens d'officine (Snapo), l'Unop ou la société algérienne de pharmacie (SAP), l'idée de l'instauration d'un tarif de référence est incontestable et elle a toujours été défendue. « Je tiens d'abord à vous signaler que sur le plan du principe, je soutiens toute action dont l'objectif est la préservation de ce merveilleux outil de solidarité que sont les caisses de sécurité sociale. Le principe du tarif de référence que j'approuve et encourage doit être équitable, irréprochable et toujours orienté vers l'équilibre des caisses de sécurité sociale, garantes de la pérennité de notre système de santé et de l'accès aux médicaments dans les meilleures conditions à nos concitoyens », a tenu à déclarer M. Benhamdine, président de la sAP. Pour lui, le remboursement par classe thérapeutique signifie que le législateur a décidé, pour une pathologie donnée, de rembourser un certain montant pour tous les produits quelle que soit la dénomination commune internationale. « Ceci en occultant les bénéfices (service médical rendu) que peuvent procurer certains produits par rapport à d'autres, notamment sur le plan des indications, des effets secondaires réduits, des contre-indications », a-t-il précisé en regrettant que le ministère du Travail et des Affaires sociales « n'ait entrepris aucun travail de communication en direction des médecins, des pharmaciens et des malades à ce jour ». M. Benhamdine signale que les pharmaciens n'ont toujours pas pris connaissance de cette liste : « On aurait pu faire l'effort de la leur faire parvenir par le biais des directions de wilaya, par exemple. » L'arrêté en question, fixant les tarifs de référence, poursuit-il, prévoit leur application à tous les citoyens qui ont eu la malchance, supplémentaire, d'être malade après le 2 octobre 2008. Et de conclure : « Cette disposition me paraît contraire aux principes d'égalité des citoyens, qui doivent bénéficier des mêmes avantages et être soumis aux mêmes obligations. Cette disposition est consacrée dans notre constitution en son chapitre 29 ». Pour le président du Snapo, M. Abed, son syndicat a toujours soutenu la politique du tarif de référence qui devait être accompagnée de mesures encourageantes permettant au pharmacien de dispenser le médicament générique en faisant référence aux marges bénéficiaires. « Concernant ces anomalies contenues dans cette nouvelle liste à laquelle nous n'avons pas été associés, nous avons signalé certaines d'entre elles au directeur de la sécurité sociale. Le Snapo n'a jamais été consulté ni informé de ces nouveaux tarifs de référence », a déclaré M. Abed.