Depuis 4 jours, près de 600 personnes et une soixantaine de véhicules sont engagés dans la bataille contre le feu à El Tarf. La protection civile, les forestiers parmi lequels il faut compter les effectifs du parc national, soutenus par les engins d'entreprises privées comme la japonaise Cojaal, l'ADE, Safa Babors, le port d'El Kala… De 24 foyers actifs avant-hier, on est passés à 17 hier vers 15h, essentiellement concentrés autour d'El Kala. Le vent a tourné au nord-est depuis la matinée, ce n'est plus le sirocco. Le conservateur des forêts et le directeur de la protection civile sont prudents sur les chiffres encore provisoires mais ils rassurent : « Au moment où nous parlons, c'est moins catastrophique que ne laisse voir le terrain. » Hier, on aurait dit que le sort s'acharnait sur le lac Oubeira. Cinq incendies d'envergure ravagent le chêne-liège qui boise ses rives. A l'est, les habitants de la mechta Bou Marchent ont été évacués. Sur la route qui longe le lac au nord-est, l'on pouvait voir des remorques de tracteur où on a jeté à la hâte les affaires des familles secourues, mais restées près des gourbis pour aider les pompiers à empêcher le feu d'atteindre leurs habitations. L'activité des incendies a atteint son paroxysme dans le milieu de l'après-midi. Le ciel, dégagé en début de journée à El Kala, a recommencé à se couvrir de nuages de fumée qui ont assombri toute la région. A Kantra El Hamra, au nord du lac Oubeira, des chars sont en action pour ouvrir une tranchée pare-feu devant les flammes qui approchent rapidement du village. Les habitants sont dehors et suivent avec inquiétude les manœuvres. Plus loin, sur le CW 109, au col du Djebel Koursi, complètement brûlé, la circulation est coupée. Les feux font rage. Malgré les efforts des pompiers, des travailleurs du parc et quelques volontaires, le feu qui a tout brûlé la veille vers le nord, au-delà de Souk Reguibat et jusqu'au Cap Rosa, a réussi à franchir la route et s'attaquer au sanctuaire de Fégaïa, jamais touché jusque-là. « Aâm ennar » (l'année du feu), disent les gens en parlant de la chaleur, de l'air irrespirable même la nuit et du ciel qui a disparu derrière l'écran de fumée. C'est, en effet, une année particulière qui s'inscrit dans la lignée des années 1983, 1987, 1990. On peste contre l'Etat qui ne met pas les moyens qu'il faut pour protéger les gens et la nature, mais les incendies profitent aux éleveurs. Le cheptel a, en effet, été multiplié par 10 ces dernières années à la faveur des aides au développement rural détournées et thésaurisées dans la viande. Le climat y est certes pour quelque chose, mais il ne fait qu'arranger les affaires des maquignons. A titre de comparaison, il n'y a pas une seule colonne de fumée qui monte de l'autre côté de la frontière. Curieux, non ?