Quelle alternative pour sortir les PME algériennes du marasme dans lequel elles se débattent ? Une épineuse question qui revient comme une prière et qui ne bénéficie toujours pas d'une sérieuse réflexion de la part des instances en charge de ce dossier. Celles-ci se contentent de s'arrêter souvent au stade d'un simple constat. Le bulletin évaluatif de la situation des PME en Algérie exposé, lundi soir, lors d'une conférence-débat organisée à Alger par le Conseil national consultatif pour la promotion de la PME (CNC-PME), fait ressortir de lourds problèmes qui affectent le tissu des petites et moyennes entreprises. Difficultés liées au financement des activités productives par-ci, accès limité au foncier industriel et fiscalité défavorable aux activités productives par-là, le constat du président du CNC-PME, Zaïm Bensaci, fait comprendre une situation de disgrâce incontestée. Une préoccupation particulière touche, d'après M. Bensaci, le secteur du BTPH, « souvent largement tributaire des commandes publiques ». Mais en règle générale, les PME nationales, juge-t-on, souffrent d'un manque de taille critique et d'une obsolescence qui leur dispute leur marché domestique du fait de la prospérité pétrolière. Mourad Preure, expert en stratégie, se demande si l'on peut imaginer un secteur bancaire et industriel détenu par les étrangers en Algérie. Selon Abdelhak Lamiri, expert économiste et docteur en sciences de gestion en Californie (USA), la réponse à ladite question est simple : si on ne développe pas un capital et un privé national qui est appelé à se déployer ici et ailleurs, cela veut dire que d'ici quelques années, 80% des secteurs industriels et bancaires seront entre les mains des étrangers. Par conséquent, c'est un risque maximum et dangereux pour l'économie nationale, surtout lorsqu'on commence à rapatrier les dividendes. Sept milliards de dollars de bénéfices ont été transférés durant l'année écoulée. Dans les 10 à 15 prochaines années, la proportion pourrait atteindre les 50 milliards de dollars de transferts de dividendes, si l'on se réfère à des précédentes prévisions de M. Lamiri. Ceci au moment où les PME algériennes, censées être la locomotive de l'économie nationale, s'écroulent quotidiennement dans l'anonymat absolu. Résultat : pas moins de 2000 entreprises ont été dissoutes ou déclarées en faillite uniquement pour le premier semestre de l'année écoulée. Un chiffre qui émane du CNC-PME. Un constat alarmant. Voire même un constat d'échec de la politique du gouvernement en matière de promotion des PME. Temmar épinglé par sa politique C'est toute la stratégie industrielle de Hamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, qui tremble aussi. Une stratégie « trop orientée sur les investissements directs étrangers (IDE) au détriment des entreprises nationales », d'après les experts. Les spécialistes ayant pris part à la conférence du CNC-PME n'ont pas hésité, eux aussi, à désavouer le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Selon eux, il est impossible pour un pays de fonder sa stratégie industrielle sur la politique des firmes « tentaculaires » qui agissent par le biais des IDE. Mourad Preure ira jusqu'à dire que « l'écosystème actuel dans lequel baignent les PME algériennes les pousse droit vers le péril ». Le dernier chiffre recueilli auprès d'un responsable du CNC-PME fait croire que plus d'un millier de PME disparaissent chaque année en Algérie. Un chiffre inquiétant qui va crescendo en l'absence d'une véritable prise en chargé de la problématique liée à l'avenir des PME en Algérie. Le CNC-PME prône l'idée d'encourager l'émergence de « champions nationaux », des firmes en mesure de se mouvoir dans la grande arène concurrentielle mondiale et de constituer des donneurs d'ordres pour les PME nationales afin de les entraîner dans leur sillage. Au niveau du CNC-PME, l'on parle d'une approche nouvelle, toujours en chantier, conçue aux fins de « mettre la PME algérienne au rythme de l'économie mondiale ». Cette réflexion, dite « d'ateliers de changement », implique, d'après M. Preure, les entreprises et les universités et tend à mettre en réseaux associations, PME, universités et collectivités locales. L'objectif étant de construire, au bout du compte, de manière pragmatique, un système d'intelligence économique qui sera, d'après l'orateur, « les yeux » des entreprises, des universités et des collectivités locales. M. Preure a reconnu que l'Algérie est très en retard en la matière et nos entreprises sont « les moins préparées » pour disposer des instruments nécessaires de protection dans l'arène hautement compétitive de la mondialisation. Selon l'orateur, l'intelligence économique doit faire l'objet d'une politique publique « claire et concrète », impliquant toutes les énergies de l'Etat. Pour le moment, « il n'y a pas de proposition concrètes et sérieuses de la part des organismes censés constituer la tête de la locomotive », conclut M. Preure. En attendant, les PME algériennes meurent à petit feu, nourries uniquement par les discours des responsables en charge de leur promotion.