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Djillali Hadjadj (Président de la section algérienne de Transparency International) : « Le score de l'Algérie n'est pas une surprise »
Publié dans El Watan le 24 - 09 - 2008

L'Algérie est le pays le plus corrompu du Maghreb et occupe la 10e place dans le classement des 18 pays arabes, selon les conclusions du rapport de Transparency International. Peut-on douter de la fiabilité de ces résultats comme pourraient le faire vos contradicteurs potentiels ?
Il est sûr que le pouvoir en place n'apprécie pas du tout ce type de classement. Mais vous remarquerez que les résultats de cet Indice de perception de la corruption (IPC) correspondent parfaitement aux autres scores – tout aussi bas – qu'enregistrent l'Algérie dans divers classements internationaux qui évaluent les indicateurs de la bonne gouvernance, à l'image, entre autres, de ceux qui traitent de la compétitivité, du climat des affaires, du risque investissement, du risque sécurité et de la liberté de la presse. Mais pour ce qui est de l'IPC, le score de l'Algérie n'est pas une surprise : non seulement rien n'est fait par les pouvoirs publics pour contrer la corruption, mais bien au contraire des mesures aggravantes sont prises, dont la disparition, dans les faits, de la réglementation sur les marchés publics. Contrairement aux autres pays du Maghreb, plus particulièrement la Tunisie et le Maroc, la manne financière du pétrole paraît être une « malédiction » en Algérie.
En parlant de l'Algérie toujours, vous affirmez que la corruption est « un instrument du pouvoir et de pouvoir ». Quels sont vos arguments pour l'étayer ?
J'ajouterai que la corruption pour le pouvoir est aussi un instrument de règlement de comptes et des comptes entre les clans et les différentes factions qui les composent, civils et militaires. Par ailleurs, il y a un tel climat d'impunité au cœur même du pouvoir que les commis de ce pouvoir se croient tout permis, parce que protégés par leurs « parrains », à qui ces mêmes commis renvoient l'ascenseur pour bénéficier d'affaires juteuses, notamment en matière d'octroi de marchés publics. L'exemple même de l'affaire Khalifa et du procès de Blida, traités abondamment par votre journal, est édifiant à plus d'un titre quand on sait que nombre de personnes impliquées et issues de ce pouvoir ont pu, à ce jour, échapper à la justice. Comment peut-on expliquer aussi que le traitement judiciaire des affaires des ex-walis de Blida et de Tarf continuent de traîner en longueur, alors que les accusations sont plus qu'édifiantes ? La corruption comme instrument de pouvoir, nous la vérifions aussi avec la clémence criminelle dont bénéfice à ce jour le wali de Khenchela et un certain nombre de ses collaborateurs, alors que les charges contre lui, mises en exergue par notre association, sont extrêmement lourdes. Son maintien en place dans une région très pauvre est à la fois une prime à la corruption et une énorme provocation du pouvoir à l'encontre des populations les plus démunies qui souffrent des ravages de ce phénomène.
Quels sont, selon vous, les moyens légaux de lutte contre ce fléau que le pays n'aurait pas mis en œuvre, justement ?
Même si l'Algérie a fait une très mauvaise transposition en droit interne des Conventions des Nations unies et de l'Union africaine contre la corruption, les lois et décrets issus de la ratification de ces textes par l'Algérie ne sont pas appliqués, ce qui dénote, si besoin est, une totale absence de volonté politique pour lutter contre la corruption. Prenons quelques exemples. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il à ce jour d'installer l'agence gouvernementale de lutte contre la corruption, créée il y a 22 mois par décret présidentiel ? Qui bloque cette installation ? Pourquoi le processus de déclaration de patrimoine est-il à l'arrêt et inappliqué à ce jour, alors que cela aurait pu être un instrument de prévention, de surveillance et de sanction de l'enrichissement illicite ? Pourquoi la cour des comptes est-elle gelée de fait depuis de longues années et son rapport annuel n'a été rendu public – alors que c'est une disposition légale – que deux fois en 28 ans d'existence ? Les moyens légaux existent pour lutter contre ce fléau, mais le pouvoir en place, parce que gangréné lui-même par les affaires, refuse de les appliquer.


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