A six mois de l'élection présidentielle, laquelle n'affiche pas encore ses contours, certains cercles politiques semblent vouloir se saisir de la question oubliée des patriotes. La raison ? Le dossier est visiblement perçu comme un thème porteur à l'heure où la politique de la réconciliation bute sur la réalité du terrain. Les patriotes, autrement appelés GLD (Groupe de légitime défense), ont été pour ainsi dire, depuis la mise en application de la loi sur la paix et la réconciliation nationale, oubliés par les pouvoirs publics. Des pouvoirs publics visiblement plus soucieux de donner des assurances aux ex-terroristes plutôt que d'exprimer la reconnaissance à une catégorie de personnes qui se sont engagés, au péril de leur vie, dans la lutte contre le terrorisme. A Bouira, l'une des wilayas du centre du pays où existait un grand nombre de GLD, la question de la prise en charge des revendications de cette frange de la population se trouve ces jours-ci au centre d'une polémique qui s'amplifie de jour en jour. Le coordinateur régional des patriotes et non moins élu FLN à l'APW de Bouira, Abbas, semble s'être engagé dans une campagne dont les tenants et les aboutissants - jusque-là inconnus - ne laissent pas indifférents les différents acteurs politiques locaux. Ainsi, l'annonce de l'installation d'une coordination régionale des patriotes regroupant entre autres les wilayas de Bouira, Médéa, Tizi Ouzou et Béjaïa - en attendant d'autres wilayas, selon M. Abbas - n'a pas manqué de susciter des interrogations, que ce soit auprès des concernés que des différentes chapelles politiques visiblement prises de court par l'information. A en croire les déclarations de cet élu local, une réunion de travail aura lieu aujourd'hui à Alger, pour débattre des modalités ainsi que de la date de la tenue d'une rencontre régionale avec les patriotes et qui sera présidée par le chef de file du FLN, Abdelaziz Belkhadem. Un détail que semble bien ignorer le responsable de la mouhafada locale du FLN, M. Nouri. Il dit d'ailleurs ne pas avoir eu écho de cette rencontre et que le FLN de Bouira n'est destinataire d'aucune instruction de sa direction à Alger, lui enjoignant de préparer une quelconque rencontre allant dans ce sens. Cela, sans oublier de rappeler que son parti œuvre sans relâche à la concrétisation des espoirs nourris dans la politique de la réconciliation. Par ailleurs, ce responsable du FLN parle d'une réunion à Alger. Celle-ci est toute fois prévue non pas aujourd'hui mais dans les toutes prochaines semaines et dont l'ordre du jour n'a pas encore été arrêté. A préciser que nos tentatives de joindre hier le député Mohamed Seghir Kara (vice-président de l'APN et élu de Bouira) sont restées vaines hier. Il en était de même pour le porte-parole du FLN, Bouhadja, injoignable. Aucune autre source autre que le représentant des patriotes n'a confirmé l'information. Une information soulignant aussi que c'est le président de la République qui aurait désigné M. Belkhadem pour se charger du dossier des patriotes. D'autre part, du côté des autres partis - du moins ceux qui se disent à l'avant-garde de la cause des patriotes -, à l'instar du RND de Ahmed Ouyahia et du RCD de Saïd Sadi, les avis sont différents certes mais se rejoignent en partie, notamment en ce qui concerne le fait que l'affaire des patriotes et la prise en charge de leurs revendications relèvent des compétences de l'Etat et non d'une quelconque chapelle politique. Pour le sénateur du RND, Bouha Abdelkader, que nous avons contacté, « c'est l'affaire des institutions de l'Etat et le RND n'a jamais eu la prétention d'avoir sous son égide une telle dynamique dont se revendique le peuple algérien. » « L'affaire des patriotes n'est pas celle du RND tout seul, mais celle du peuple algérien ayant lutté durant plusieurs années contre le terrorisme », a-t-il ajouté sans omettre de rappeler les positions de son parti considéré comme partie prenante de la lutte antiterroriste, menée par ces mêmes patriotes, dont certains sont ses militants, à l'image de Cheikh El Mekhfi de Lakhdaria. A la question de savoir si des rencontres similaires sont programmées sous l'égide de son parti, comme annoncé par certaines sources, il a répondu par la négative, démentant toute information faisant état d'une telle entreprise conduite par le RND. Quant au RCD, un parti partie prenante de la dynamique de résistance enclenchée au début des années 1990, et à l'orée de la décennie noire, son député de Bouira et non moins membre de la direction nationale du parti, Brahimi Ali, n'a pas mâché ses mots pour qualifier cette initiative de tentative de récupération d'un symbole de résistance populaire à des fins purement partisanes dont la motivation ne peut être que la préparation de la campagne pour un troisième mandat de Bouteflika. Pour notre interlocuteur, « le sursaut de la résistance patriotique contre le terrorisme est loin de se limiter ou de se confondre avec un parti politique », avant d'ajouter qu'« il est regrettable qu'un nouveau repère national soit privatisé, en cette veille d'élection présidentielle, au profit d'un groupe politique comme ça a été le cas pour le sigle du FLN de nos pères, à deux reprises, en 1962 et en 1989 ». M. Brahimi n'a pas manqué d'exhorter les patriotes à exiger leurs droits sans céder au chantage et à l'allégeance à un groupe politique quelconque. Une revendication à clamer haut et fort, selon lui, devant les institutions de l'Etat concernées. C'est là donc une nouvelle polémique qui anime les différentes chapelles politiques et les acteurs au niveau local, laissant les patriotes dans l'ignorance et abandonnés à leur triste sort. Il est à rappeler qu'un nombre important parmi ces résistants est réduit à la misère. C'est le cas entre autres des patriotes de la région de Lakhdaria qui doivent être traités avec beaucoup d'égard de la part des autorités.