Un deuil de trois jours sera observé, à compter de mardi à travers les campus algériens, suite à la mort tragique du professeur Mohamed Benchehida, de l'université de Mostaganem. C'est l'une des décisions adoptées hier dans la matinée par les enseignants réunis en assemblée générale extraordinaire. Après avoir observé une minute de silence, les présents ont entamé, avec une insoutenable émotion, l'énoncé des griefs ayant été à l'origine de ce drame. Ses collègues ont fustigé unanimement la gestion antérieure de l'université, qui se caractérisait par un laxisme à l'égard des organisations estudiantines qui sont devenues les premiers et souvent les uniques partenaires de la direction de l'université. Beaucoup ont cité les cas des professeurs Abdelaziz Mersaoui et Mohamed Djalem ainsi que la récente agression perpétrée par un étudiant au niveau du service de la scolarité de la faculté des sciences sociales. Les professeurs Berramdane et Djerradi ont souligné combien « ce crime nous dépasse par sa symbolique » et évoqué le rôle éminent des pouvoirs publics dans la définition d'un projet de société. Larbi Djerradi a ajouté : « Notre société est malade et son état vire au rouge d'où la nécessité de réfléchir à une école et un système éducatifs en rapport avec nos valeurs ancestrales. » Il parlera également du respect qui prévalait dans l'enseignement quand le disciple vouait un respect total au maître, ne levant jamais les yeux devant ce dernier. Les relayant, Mlle Dalache a évoqué la nécessité de codifier la relation entre élèves et maîtres par l'élaboration d'un règlement intérieur opposable à toutes les composantes de l'université. Lui succédant, le professeur Ouali a fustigé sans égard le marchandage des notes d'évaluation qui est devenu une pratique quasi généralisée. Mme Hafidi, du département d'agronomie, a rappelé la nécessité de réactiver le conseil de discipline qui a brillé par une dormance dramatique. Une collègue en larmes cite à titre d'exemple une affaire dans laquelle elle était partie prenante et qui n'a pas abouti à cause des atermoiements de l'administration. Pour Saci Belgat, il est temps de prévoir l'organisation d'un symposium qui devrait réunir les principales compétences afin, comme le souligne le professeur Halbouche, d'aboutir à un véritable audit de toute l'université algérienne, un outil de gestion qui fera la lumière sur les gestions défaillantes et sur les combines qui ont décrédibilisé l'enseignement universitaire. Un professeur d'informatique, collègue du défunt Benchehida, a beaucoup de peine à témoigner tant l'émotion lui noue la gorge. Il parvient néanmoins à faire passer l'essentiel sur le stakhanovisme – également souligné par le professeur Seddiki, recteur de l'université – de cet enseignant modèle de probité et d'engagement, totalement désintéressé, au service exclusif de l'université. Intervenant à son tour, Abdelmalek Rahmani, coordinateur du Cnes et enseignant à Tizi Ouzou, recentrera le débat sur la déontologie et la rigueur ; il dira avec beaucoup de conviction que le combat pour une véritable considération de l'universitaire est à venir, rejoignant un autre professeur qui souligne la nécessité de faire un véritable « Grenelle de l'enseignement supérieur ». Alors que Samir Bentata insiste sur la grande perte d'un enseignant modèle, le recteur propose de baptiser un site de l'université du nom du défunt. Une proposition qui est bien accueillie par les enseignants, toutefois, ils seront nombreux à souhaiter baptiser toute l'université au nom de ce martyr du devoir et de la science. L'assemblée générale a également été l'occasion de prendre la décision d'ériger au sein de la bibliothèque centrale une chapelle ardente et d'y ouvrir un registre de condoléances. C'est là que les délégations d'universitaires qui affluent de toutes parts viendront présenter leurs condoléances à la communauté universitaire de Mostaganem.