Quelques mois avant le 1er Novembre 1954, dans la vallée du Rhône, des milliers d'Algériens, poussés par le rêve d'être embauchés sur le chantier quasi-pharaonique d'aménagement des berges du fleuve… La nouvelle s'est répandue jusque dans les lointains villages d'Algérie. Et, déjà déracinés chez eux, ces hommes traversent comme ils peuvent la Méditerranée vers ce qu'ils croient être un éden du labeur et de la dignité. Peu d'entre eux y accèderont, découvrant des conditions épouvantables de travail, cependant meilleures encore que le sort de milliers de leurs compatriotes qui se retrouvent dans le dénuement le plus total. C'est dans ce décor tragique que Kader Ferchiche plante sa fiction, inspirée de faits réels et développée sans fioritures. A Montélimar, précisément - la ville du nougat -, ces harragas du passé, sans logement ni nourriture, démunis face au froid, se voient réduits à la pire misère. En mars 1954 se crée un comité d'entraide aux Nord-Africains, animé par des Français de conviction et de cœur. Un jeune Algérien, ancien soldat démobilisé après 1945 et disposant d'une instruction, se retrouve là. Pour fraude aux chemins de fer, il est traduit devant le tribunal où un journaliste découvre sa personnalité et prend fait et cause pour lui. De cette rencontre entre l'homme de plume et l'homme de peine naît une relation particulière sur laquelle l'auteur tisse une fresque de la grande vague d'émigration des années 50. Kader Ferchiche signe là sa première publication en Algérie. Ce journaliste et écrivain, né en France dans une des premières familles algériennes émigrées, était bien placé pour relater ces faits. Aujourd'hui il est rédacteur au Dauphiné Libéré, il était venu en Algérie au début des années 80 pour s'y installer définitivement. Pendant près de dix ans, il a exercé dans la presse nationale, notamment à El Moudjahid, avant que la décennie noire ne le pousse à rebrousser chemin. « Ils avaient le soleil pour tout regard », roman de Kader Ferchiche. Ed. Alpha, Alger 2008.