Le voile sur les chantiers politique et constitutionnel prêtés au président Bouteflika et qui ont alimenté pendant de longs mois les joutes politiques vient d'être levé en partie, hier, par le chef de l'Etat à l'occasion de l'ouverture solennelle de l'année judiciaire. En partie seulement car si le président Bouteflika a confirmé ce qui était déjà presque une certitude depuis ces dernières semaines avec les déclarations du chef du gouvernement, M. Ouyahia, qui avait annoncé quasi officiellement la révision prochaine de la Constitution, on n'en saura pas davantage, en revanche, quant aux ambitions politiques personnelles de Bouteflika et à son avenir politique à l'expiration de son mandat actuel. Le Président a confirmé hier tout ce qui a été dit et écrit quant au contenu des amendements qui seraient apportés à la Constitution et que les relais du pouvoir se sont fait fort de défendre, à travers notamment les deux partis pivots de l'alliance présidentielle, le FLN par l'entremise de son président M. Belkhadem à partir de son ancien poste de chef de gouvernement, relayé par la suite par son successeur, le patron du RND M. Ouyahia. De ce côté-là, il n'y avait donc rien de nouveau, du moins du point de vue de la philosophie générale qui devrait sous-tendre la structuration de la nouvelle Constitution, hormis l'effet d'annonce officielle d'hier. Le président Bouteflika n'a fait que confirmer la volonté qui fut toujours sienne depuis son arrivée au pouvoir « de clarifier et de préciser les rapports entre les différents constituants du pouvoir exécutif » pour éviter la dualité dans l'exercice du pouvoir tel que vécu aujourd'hui. Question : le fait de toucher à l'articulation entre les différents segments et composantes du pouvoir exécutif pour en faire une source d'un pouvoir « uni, fort et cohérent » à travers, on l'aura compris, un renforcement des prérogatives du président de la République inspiré du système présidentiel fort, ne participe-t-il pas d'une réforme profonde de la Constitution pour réduire cette opération à une simple question de toilettage de la Loi fondamentale, sans enjeux politique et de pouvoir, à « un aménagement partiel et limité » qui ne mériterait pas le recours au suffrage universel ? Autre préoccupation de Bouteflika, qu'il envisage d'ancrer dans la Constitution amendée : « Permettre au peuple d'exercer son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa confiance en toute souveraineté. » Sans le proclamer officiellement, le président Bouteflika, à mots à peine couverts, répond aux milieux hostiles à son maintien au pouvoir en faisant clairement acte de candidature pour un troisième mandat dans une consultation à deux temps, ouverte du point de vue du calendrier électoral. La première, immédiate, inscrite dans l'urgence et dont l'objectif est manifestement de préparer – acte I de la révision constitutionnelle – les conditions politiques d'une réforme plus profonde de la Constitution qui viserait à consolider encore davantage les fondements du régime présidentiel fort cher à Bouteflika.