Longtemps objet de spéculations qui ont meublé le débat politico-médiatique, la révision constitutionnelle a fini par se concrétiser le 12 novembre 2008. Evénement politique phare de l'année 2008 : la révision constitutionnelle. Mercredi 12 novembre, le Parlement (APN et Conseil de la nation) est convoqué en congrès par le président Bouteflika pour se prononcer sur un certain nombre d'amendements. Le plus important porte sur l'article 74, qui limite jusque-là les mandats présidentiels d'une durée de cinq ans à deux seulement. À la faveur de cet amendement justifié au nom du principe de “souveraineté du peuple”, le président de la République est rééligible autant de fois qu'il le souhaite. Le résultat du vote est sans appel : 500 voix pour, 21 contre et 8 abstentions. Pour l'histoire, il faut rappeler que les députés du RCD quittèrent la salle pour protester contre ce qu'ils ont qualifié de “forfaiture démocratique”. Ce vote, prévisible dans son issue, ouvre un grand boulevard à Bouteflika pour briguer un troisième mandat. Le vote du 12 novembre, sous les lambris du Palais des congrès du Club-des-Pins, théâtre des grands-messes du système, est au demeurant l'acte final d'un long feuilleton marqué par un suspense et des emballements médiatiques, suivis de séquences de répit. C'est Abdelaziz Belkhadem, l'âme damnée de Bouteflika, qui lance l'idée d'un troisième mandat, alors qu'on est à peine à mi-chemin du second. Son plaidoyer est un signal pour la mise en branle du ban et de l'arrière-ban du parti. Le feed-back est positif et la mayonnaise ne tarde pas à prendre. Le chef du FLN passe alors à la vitesse supérieure et met en place une commission à l'intérieur du parti chargée de cogiter une nouvelle constitution. Au bout de ce chantier auquel sont associés cadres du parti et spécialistes en droit, une mouture avec deux variantes (une révision light et une révision en profondeur) est déposée à El-Mouradia. Pendant tout ce temps, Bouteflika, dont on connaît pourtant l'hostilité déclarée à la Constitution de 1996, “bâtarde” selon lui, s'est confiné dans un silence qui cache mal son intention bien arrêtée de changer l'ordre constitutionnel. Le 5 juillet 2006, devant la haute hiérarchie militaire, il fait part de “son souhait” de faire procéder à une révision de la première loi du pays pour consacrer un régime présidentiel fort, à l'américaine. Un souhait à l'effet d'un déclic qui sonne alors le réveil des “comités de soutien au programme du Président”, en reprenant à leur compte l'idée du troisième mandat. On assiste alors à une bataille “fraternelle” entre le FLN et les comités de soutien. C'est à qui a le soutien le plus sonore. En 2007, à l'occasion d'une visite à Tamanrasset, le président Bouteflika, interrogé par une journaliste de Reuters sur la possibilité d'amender la Constitution, répond sibyllin et concis : “Les choses sont claires.” Une clarté qui ne tardera pas à avoir plus d'éclat en avril 2008 en déclarant encore dans un entretien à la même agence Reuters : “Pour le moment, je me contente de terminer correctement mon mandat pour lequel les Algériens m'ont accordé leur confiance.” Les “organisations de masse” comme on les appelait à l'époque du parti unique, réagissent au quart de tour à cette déclaration. UGTA, UMPA, ONM, Onem, Onec, entrent dans une spirale concurrentielle, se fondent les unes après les autres d'appels au président Bouteflika à briguer un troisième mandat “pour se donner le temps d'achever son œuvre de redressement nationale”, dixit le communiqué de la Centrale de Sidi-Saïd. En dépit de ces appels à candidature, Bouteflika reste de marbre et continue de cultiver l'équivoque. Pour les observateurs rompus à l'herméneutique du discours du système, ces équivoques redondantes de Bouteflika quant à ses intentions personnelles sont le signe de l'absence d'un consensus entre les centres décisionnels faiseurs de présidents. Et d'ailleurs quand “l'arrangement” est enfin trouvé entre ces centres, c'est Ahmed Ouyahia, entre temps rappelé à la chefferie du gouvernement, après le passage calamiteux de Belkhadem, qui rend les oracles. “La révision constitutionnelle aura bel et bien lieu et le RND qu'on accuse d'être une machine électorale se propose de mettre cette machine au service du candidat Bouteflika”, a-t-il déclaré dans un point de presse, à l'issue d'un conseil national du parti. Une telle offre de service signifie que quelque chose a bien bougé au sommet, car jusque-là, Ouyahia alterne entre pirouette et agacement quand il est interpellé sur la révision constitutionnelle, objet de surenchère de la part du FLN. Fin novembre, Bouteflika, fidèle à son art de surprendre, met fin à un long suspense. Devant les magistrats réunis à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire 2008, il annonce enfin la révision constitutionnelle, en révélant également la substance des amendements et le choix de la voie parlementaire pour acter cette démarche. Reste l'annonce plus que probable de sa candidature (le contraire étant impensable) pour servir de point final au feuilleton politico-judiciaire. O. O.