Le premier candidat noir fait son entrée à la Maison-Blanche et l'Amérique devient soudain bien plus séduisante. Après huit années de guerre et d'instabilité économique, les électeurs américains avaient simplement besoin de poésie. Obama l'avait bien compris. Tout au long de sa campagne, il n'a cessé de déployer ses charmes rhétoriques. Lorsque Barack Hussein Obama fait son show, lorsqu'il marche à pas lents sur scène, qu'il fixe son public et qu'il entonne de sa voix rauque : « A chaque fois, une nouvelle génération s'est levée et a fait ce qu'il fallait faire. Aujourd'hui, on nous appelle. C'est au tour de notre génération de se lever… », pas moins de 40 000 personnes se lèvent, la salle crépite, la foule est en délire et la magie opère. Evidemment, un fin calculateur se cache derrière ces envolées lyriques. Il n'est peut-être pas un révolutionnaire ni un gaucho, mais il fait rêver. Sa vie est digne d'un scénario hollywoodien. Né le 4 janvier 1961 à Honolulu, Hawaï. Sa mère avait 18 ans, son père 25. Il était aussi noir qu'elle était blanche. Il venait du Kenya, membre de la tribu des Luo. Elle appartenait à une famille du Kansas, descendante de Jefferson Davis, président des Etats confédérés de la guerre de Sécession. Ils finiront par divorcer en 1963. Le père retourne à son Afrique natale pour entamer une brillante carrière d'économiste. Sa mère, elle aussi idéaliste mais quelque peu fantasque, prend un mari indonésien et laisse le jeune Barack qui n'a que six ans chez ses grands-parents. « Quand je serais président et que je voyagerai dans un pays pauvre pour parler à ses dirigeants, ils sauront que j'ai une grand-mère qui habite au Kenya, dans un petit village sans eau courante, ravagé par la malaria et le sida… Cela me permettra de parler sincèrement, pas seulement de notre besoin de les aider, mais du devoir de ces pays pauvres de s'aider eux-mêmes », promet Obama. A la fac de droit de Harvard, il devint le premier « Black » à être élu président de la prestigieuse revue de Droit. C'est là que ses ambitions politiques commencèrent à s'épanouir. Immédiatement après l'obtention de son doctorat, il se consacre à son rôle d'animateur social dans les quartiers les plus défavorisés de Chicago. Mais lorsqu'il demande la main de Michelle Robinson et que son beau-frère, pour le sonder, lui demande ce qu'il compte faire de sa vie, il affirme : « J'aimerais bien enseigner. » « Peut-être faire de la politique », explique le futur fiancé. « Elu local ? », interroge Robinson. « Non, le Sénat et peut-être même la Présidence », répond Obama. Le 27 juillet 2004, à la demande du candidat de l'époque, John Kerry, il prononce le discours de la Convention démocrate de Boston. Et il dit cette fameuse phrase en évoquant « l'espoir d'un enfant maigrichon portant un nom bizarre et qui croit que l'Amérique a une place pour lui ». C'est ainsi qu'il devient célèbre dans tous les Etats-Unis. A peine installé au Congrès en tant que sénateur de l'Illinois qu'il se voyait un destin plus grand. Au Capitole, il jouait pourtant aux jeunes premiers, n'osant jamais interrompre les sénateurs plus âgés, ne prenant la parole qu'à la fin de la séance et restant à l'écart des sujets sensibles. « Il a traité le Sénat comme un pont à traverser », analyse le Washington Post. Il était moins expérimenté que ses collègues, mais jouissait d'une détermination à toute épreuve. Les jeunes voient en lui l'idéaliste. Celui qui a su démontrer que rien n'est encore perdu et qu'il est possible de vaincre les préjugés. Certes, tout au long de la campagne, il a parfois troqué ce costume contre celui d'un pro-sioniste résolument décidé à faire de Jérusalem la capitale d'Israël, celui du politicien tactique ou d'amateur d'armes pour faire plaisir au NRA (National Rifle Association), l'un des plus puissants lobbies américains. Mais il est, pour certains, l'incarnation du « rêve » inachevé de Martin Luther King. Cent quarante-trois ans après l'abolition de l'esclavage, il deviendra le 44e président des Etats-Unis.