Alors que le mutisme est maintenu sur le contenu de l'accord de partenariat d'un montant de 84 millions d'euros signé entre le gouvernement algérien et l'émirati Dubaï Port World pour la gestion des ports d'Alger et Djendjen, les syndicats s'inquiètent pour l'avenir des 3000 travailleurs qui vont se retrouver au chômage. Légitime dans la mesure où dans toutes les déclarations des plus hauts responsables du pays, est soulignée la nécessité d'associer le partenaire social à toute négociation qui engage l'avenir de l'entreprise. Dans ce cas précis, en dépit des premiers contacts d'information, le partenaire social a été mis devant le fait accompli. Sa plus grande crainte est aujourd'hui légitime, puisque ce contrat signé la semaine passée avec l'Emirati pour la gestion des ports d'Alger et Djendjen, pour une durée de 30 ans, ne prévoit pas le maintien de l'effectif initial, que ce soit pour le port d'Alger (où près de 3000 employés sont menacés de chômage) ou celui de Djendjen. Classé 4e sur la liste des leaders mondiaux de la gestion des ports à containers, le groupe DP World a certes une expertise indéniable. Néanmoins, autant certains points de ce partenariat négocié de gré à gré apparaissent bénéfiques pour les entreprises portuaires, autant d'autres laissent entrevoir des zones d'ombre qui suscitent des interrogations, voire des craintes. Conditionner la concession du port d'Alger à celle de Djendjen est discutable. Très endetté et exploité en deçà de ses capacités, le port de Jijel est celui qui a le plus besoin d'une telle concession. En fait, le gouvernement a procédé à une véritable vente concomitante en accordant la gestion du port d'Alger à l'Emirati, sous condition d'être associé à 50% dans la gestion de Djendjen (les 50% restants partagés entre les ports d'Alger et d'Arzew). Pour les autorités, cette joint-venture permettra de redonner vie au port de Jijel, connu pour son plus important tirant d'eau dans le Bassin méditerranéen, pour exploiter ses potentialités et le transformer en la plus grande plate-forme portuaire du pays. Jusque-là, le pari est réussi. Le point noir reste néanmoins la concession de la gestion du terminal à containers et du môle 7 du port d'Alger, constituant les principales activités commerciales de l'entreprise portuaire puisqu'elles représentent plus de 70% de ses gains, mais aussi 60% du commerce portuaire algérien. Ces activités génèrent aussi une entrée quotidienne de 12 milliards de dinars. L'Epal, faut-il le préciser, est financièrement en très bonne santé. Des sources proches de ses cadres dirigeants estiment son cash-flow à plus de 800 milliards de dinars. Une manne qui lui permet de financer les investissements nécessaires pour une professionnalisation et un meilleur rendement de ses activités qui connaissent, chaque année, une progression significative au vu de ses bilans. A ce titre, quelques opérations d'achat de grues neuves ont été effectuées il y a une année et d'autres devaient être engagées durant 2009. Les cadres syndicaux affirment que l'Epal « aurait pu non seulement se suffire à elle-même, mais aussi racheter la dette du port de Djendjen, pour lui permettre de remonter la pente. Nous avons suffisamment de moyens financiers pour nous prendre en charge et assurer la pérennité de l'emploi. Pourquoi ne pas avoir exigé la construction d'un autre port au lieu de prendre la gestion de celui d'Alger, le plus important des ports du pays ? Pourquoi n'avoir pas exigé une telle disposition, comme l'ont fait les autorités sénégalaises ? » Effectivement, l'entrée de DP World dans la gestion du port à containers de Dakar (100 millions d'euros) a été conditionnée par la réalisation d'un mégaport appelé port du Futur, pour un investissement global de plus de 500 millions d'euros, qui sera fonctionnel en 2011. Les autorités sénégalaises, conscientes de l'importance des activités commerciales du port de la capitale, ont préféré négocier pour tirer le maximum des Emiratis, qui étaient pourtant en concurrence avec une société française puissamment implantée dans le domaine. Dans le volet emploi, DP World a maintenu l'effectif existant tout en s'engageant à le multiplier. Un tel investissement aurait donné une autre dimension à la concession de la gestion et évité toute perte d'emploi aux entreprises concernées. Il est vrai que pour beaucoup, l'arrivée de DP World est perçue comme une providence, parce qu'elle sera obligée de remettre les compteurs à zéro pour les activités de manutention et de rompre avec les comportements bureaucratiques qui favorisent la corruption et le favoritisme. De nombreux opérateurs économiques qualifient le port d'Alger de 49e wilaya du fait du trafic en tout genre et des passe-droits qui le gangrènent. Certains manutentionnaires se comportent comme de véritables barons faisant la pluie et le beau temps. Les changements qu'apportera DP World en entrant dans la gestion du port vont inévitablement bousculer cet état de fait et susciter des résistances énormes. Mais la tache noire reste la perte de l'emploi, puisque l'Emirati s'est engagé à ne garder que 668 agents sur les 3600 qui exercent au port. Aucune alternative n'a été dégagée pour eux. Même après, c'est-à-dire dans 30 ans, l'Emirati portera son effectif à 929 employés. C'est là que le bât blesse et fait craindre le pire, à un moment où le front social est au rouge. Les journées de protestation annoncées pour les 24 et 25 novembre ne risquent pas d'aboutir à un quelconque acquis et, déjà, les syndicalistes des 10 ports du pays promettent d'occuper la rue.