La Grèce va mal et même très mal si l'on en juge par l'ampleur des manifestations qui la secouent, même en dehors de ses frontières, avec des manifestations de Grecs, cette fameuse diaspora, dans différents pays européens. signe aussi de l'échec de la classe politique traditionnelle, même si cela ne reflète pas nécessairement une quelconque force de l'opposition, notamment de la mouvance anarchiste. Il est difficile en effet d'étiqueter les manifestants d'anarchistes, ce qui est bien commode, alors que ce qui se passe est l'expression d'un profond malaise, en premier lieu le chômage et les conditions de vie révélés par la mort du jeune adolescent tué par le policier. Cela a été alors l'étincelle. Il a fallu trois jours d'émeutes et de destructions pour que cela apparaisse dans le discours officiel. En effet, le Premier ministre grec, Costas Caramanlis, a lancé, hier, un appel à l'unité de la nation et du monde politique contre les fauteurs de troubles. Vingt-quatre heures auparavant, Costas Caramanlis s'était engagé à ce que l'Etat mette fin aux violences urbaines. « Les événements inacceptables et dangereux » qui ont suivi la mort, samedi soir d'un adolescent de 15 ans « ne peuvent pas et ne seront pas tolérés », a déclaré M. Caramanlis dans sa première apparition, depuis le début de la crise, retransmise par la télé publique. Il a dénoncé les « éléments extrémistes qui ont exploité le drame (...) en montrant que leur seul objectif est la violence ». « L'Etat va protéger les citoyens, la société (...) C'est le moindre des hommages dus à Alexis », a-t-il souligné en évoquant la mémoire du jeune homme tué samedi. La police avait, dans un premier temps, indiqué que cet adolescent se prénommait Andréas, mais elle a ensuite corrigé ce nom. M. Caramanlis a indiqué avoir donné des consignes au ministre de l'Economie pour « l'indemnisation rapide et complète » des Grecs dont les propriétés ont été détruites ou endommagées lors des violences urbaines. Il a réaffirmé, comme il l'avait fait dans un lettre de condoléances adressée dimanche à la famille de l'adolescent, que les responsables du drame « auront la punition qu'ils méritent ». Mais en dépit de cet appel, la Grèce se préparait aux obsèques de l'adolescent qui font craindre une recrudescence des violences urbaines, notamment à Athènes, où manifestants et policiers se faisaient toujours face dans le quartier étudiant. Retranchée dans l'Ecole polytechnique, une centaine de jeunes continuaient, hier matin, de harceler les forces de l'ordre, qui ripostaient par des tirs de bombes lacrymogènes, selon une source policière. Le calme était revenu dans le reste d'Athènes, théâtre depuis lundi soir et jusque vers 2h30 locales (00h30 GMT) d'affrontements, d'actes de vandalisme et de pillages de dizaines de magasins, banques et équipements publics, dans une atmosphère rendue irrespirable par les gaz lacrymogènes. Le ministre de l'Intérieur, Prokopis Pavlopoulos, a défendu le travail des forces de l'ordre, dont les médias dénonçaient l'inefficacité après ces violences qui affaiblissent le gouvernement, déjà déstabilisé par une série de scandales et les retombées de la crise économique. « La police est présente et fait tout le nécessaire pour protéger la vie humaine et la propriété », a affirmé le ministre dans la nuit. Le Premier ministre conservateur, Costas Caramanlis, devait informer de la situation le chef de l'Etat et les dirigeants de l'opposition parlementaire de gauche et d'extrême-droite. Pour couper court aux rumeurs, le porte-parole du gouvernement a démenti, lundi soir, que ces rencontres visaient à la proclamation de la loi martiale. La police a arrêté 87 personnes à Athènes à la suite des violences de la nuit. La plupart des personnes arrêtées sont des pillards qui ont dévalisé des magasins. Douze policiers ont été blessés pendant les affrontements avec les jeunes et au moins dix personnes ont été hospitalisées pour des problèmes respiratoires après avoir respiré des gaz lacrymogènes tirés par les forces anti-émeutes. Les pompiers ont dû intervenir à 190 reprises et ont éteint des incendies dans 49 immeubles de bureaux, 47 boutiques, 20 véhicules et 10 bâtiments abritant des services ministériels. La tension est aussi retombée à Salonique, la deuxième ville du pays et dans les autres villes gagnées, lundi soir, par la vague de violences et de destructions : Patras, dans le Péloponnèse, Larissa dans le centre, la Canée en Crète et Ioannina (nord-ouest). Les incidents avaient démarré en soirée, en marge des manifestations de protestation contre la bavure policière qui avaient réuni plusieurs milliers de personnes à Athènes et à Salonique, à l'appel de la gauche parlementaire. Le policier, qui a tiré sur Alexis Grigoropoulos, après une altercation entre forces de l'ordre et groupes de jeunes dans le quartier athénien d'Exarchia, a été arrêté et inculpé d' « homicide volontaire », tandis que le collègue qui l'accompagnait était appréhendé pour « complicité ». C'est un signal fort lancé en direction des émeutiers ainsi assurés qu'il n'y aura pas d'impunité. Mais cela n'a pas suffi pour calmer cette colère.