Le ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid, met à exécution ses menaces. Il a décidé de poursuivre en justice les membres du Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (CNAPEST), avant même qu'ils entament le mouvement de débrayage prévu les 9 et 10 janvier. En effet, mardi dernier, cinq membres du CNAPEST, à savoir MM. Mériane, Mahfi, Zbiri, Nouar et Hamadi, ont reçu une convocation pour comparaître, le lendemain, devant le tribunal d'Alger. La convocation émane de la chambre administrative des référés d'heure en heure. Apparemment, pour aller vite en besogne, le ministre de l'Education nationale a adressé sa requête à la chambre en question en lui demandant d'ordonner aux cinq membres du CNAPEST l'interdiction de toute activité au nom du CNAPEST, car ce dernier n'existe pas juridiquement. Le ministre a demandé également à la cour l'annulation de la grève programmée les dimanche et lundi prochains. Arrivé hier après-midi au tribunal et une fois devant le juge, l'avocat du CNAPEST demande le report du procès pour aujourd'hui parce qu'il a constaté que la procédure suivie par le ministère était illégale et présentait un vice de forme. « La requête présentée hier au tribunal par l'avocat du ministère était en entière contradiction avec celle adressée aux mis en cause. C'était une requête supplémentaire et non une autre qui corrige la première. Pressés par le temps, les responsables du ministère n'ont pas daigné enrôler une deuxième affaire, ils ont alors tenté de modifier leur demande. Une démarche illégale », a soutenu l'avocat du CNAPEST. Celui-ci a indiqué que dans la deuxième requête, le ministère poursuit en justice le CNAPEST et non les membres de ce conseil. « Dans la première requête, il est indiqué que le CNAPEST était une structure illégale et dans la deuxième, il poursuit en justice le CNAPEST dans son ensemble. Dans ce cas de figure, lorsqu'on cite une personne morale, on reconnaît son existence », dira l'avocat du CNAPEST. Ce dernier qualifie la démarche du ministère d'illégale du fait qu'elle remet en cause le droit de grève et va en contresens des conventions internationales en la matière ratifiées par l'Algérie. De son côté, M. Mériane, premier responsable du CNAPEST, a indiqué que le ministre de l'Education nationale, à travers ce procédé, veut à tout prix empêcher la grève décidée par le syndicat. « La tutelle veut casser la nouvelle dynamique qui allait être enclenchée. A notre avis, une grève de deux jours ne peut nullement perturber la scolarité des élèves », a soutenu M. Mériane. Par ailleurs, les responsables du Conseil des lycées d'Alger (CLA) ont réagi à la décision prise par le ministère de l'Education nationale de poursuivre en justice le CNAPEST. Ils ont souligné que « la déclaration intempestive du ministre de l'Education nationale sur l'illégalité de la grève appelée par le CNAPEST, au nom du droit à la scolarité des élèves, tente de criminaliser le droit de grève et de réduire l'autonomie de l'acteur syndical et l'empêcher d'exprimer ses revendications. C'est la seule justification qu'opposent aujourd'hui les pouvoirs publics pour casser la mobilisation des enseignants », explique le CLA. Celui-ci a soutenu que la multiplication des plaintes devant les tribunaux administratifs dans les conflits sociaux est un véritable arsenal répressif qui gomme les avancées en matière de droit du travail, obtenues depuis que la Constitution de 1989 a consacré le droit collectif à la grève et le pluralisme syndical. « Parler, comme le fait le ministre, de droit à la scolarité en l'opposant au droit de grève aboutit à une fausse symétrie constitutionnelle, le premier étant à la charge de l'Etat tandis que le second est un acte de souveraineté », a déclaré le premier responsable du CLA. Le CLA affirme qu'il a, depuis sa création, lutté pour la défense des libertés syndicales, il ne peut donc se taire face à cette opération d'intimidation des délégués syndicaux. Il appelle, à cet effet, à une mobilisation en solidarité avec les membres du CNAPEST.