Les enseignants du secondaire ont bravé les menaces de leur tutelle en répondant massivement hier au mot d'ordre de grève d'une journée lancé, jeudi dernier, par le Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (CNAPEST). La plupart des 1400 lycées implantés sur l'ensemble du territoire national ont été paralysés. La grève a été suivie à hauteur de 70% à travers le pays. Le constat est fait par les animateurs du mouvement de grève, auxquels il manquait le porte-parole, Meziane Meriane, en déplacement dans la capitale française. Le département de Boubekeur Benbouzid, ayant porté plainte contre les sept principaux animateurs du CNAPEST pour illégalité de leur action de protestation, a évalué le taux de suivi de la grève à 25%. Selon M. Boumaraf, chargé de la communication au ministère de l'Education, seules cinq wilayas ont enregistré un taux de suivi dépassant les 50%, à savoir Tizi Ouzou, Bouira, Béjaïa, Bordj Bou Arréridj et Ouargla. M. Boumaraf a tenu à souligner la non-adhésion de 12 wilayas à ce débrayage de 24 heures, notamment Khenchela, Biskra, El Bayadh, Souk Ahras et Tamanrasset. Le porte-parole du ministère est allé plus loin en déclarant, sur un ton affirmatif, que certains de ceux qui ont appelé à la grève ont fait cours hier normalement. « Les huissiers de justice dépêchés sur place ont attesté que deux principaux animateurs du mouvement de grève ont travaillé. Nous avons des documents l'authentifiant », a-t-il noté. Ceux qui ont fait grève vont subir des ponctions sur salaire et ne percevront pas leur prime de rendement, a indiqué M. Boumaraf. Les enseignants non affiliés au CNAPEST ont assuré leurs cours, même s'ils se disent solidaires. « Nous sommes en pleine période d'examens. Nous sommes obligés de faire l'évaluation des efforts de nos élèves. N'était cela, j'aurais fait grève, car les revendications de nos collègues du CNAPEST, comme celles du CLA, sont légitimes », a déclaré un professeur au lycée Frantz Fanon de Bab El Oued. D'autres ont abondé dans le même sens. La principale revendication des animateurs de cette grève est la reconnaissance du CNAPEST en tant que syndicat autonome en lui délivrant son agrément. S'ajoutent à cela les vieilles revendications socioprofessionnelles des enseignants, notamment l'augmentation des salaires et l'élaboration d'un statut particulier pour l'enseignant du secondaire. Le CNAPEST a déposé son dossier de demande d'agrément il y a une année. Le ministère du Travail a répondu négativement à cette demande arguant qu'il y a dans le règlement intérieur des articles contraires à la loi sur les organisations syndicales. Depuis, un bras de fer a été engagé, sans pour autant arriver à ce niveau. Car les précédentes grèves, notamment celle de l'année scolaire 2003-2004, se sont focalisées sur les revendications socioprofessionnelles. L'annonce jeudi dernier de cette grève a ainsi relancé le bras de fer entre les animateurs du CNAPEST et le département de Benbouzid. En rappelant le caractère « illégal » de cette action, le ministre de l'Education a décidé de porter l'affaire devant la justice en visant uniquement les premiers responsables de ce syndicat. C'est ce qui a ravivé la contestation des enseignants, étonnés devant une telle démarche. Un professeur dans un lycée à Bab El Oued a qualifié d'« aberrant » le fait que le Pouvoir refuse de légaliser l'activité syndicale autonome. « Nous sommes des enseignants. Il nous revient de choisir notre (ou nos) représentant(s), et personne, même pas tutelle, n'a le droit de nous imposer telle ou telle représentation syndicale. Il faut consacrer le pluralisme syndical, c'est pour cela que j'adhère entièrement à l'action du CNAPEST », a-t-il indiqué, tout en déplorant que l'enseignant ne soit pas respecté en tant que tel. Redouane Osmane du CLA (deuxième syndicat autonome des enseignants), solidaire avec le CNAPEST, a qualifié le recours du ministère à la justice d'« intimidations » et d'une « tentative » de neutralisation des mouvements de grève, car, selon lui, les enseignants n'ont eu jusque-là que de sempiternelles promesses. Rien de concret.