Après les discours sur la discrimination positive de Nicolas Sarkozy en 2003 et les propositions de l'ancien gouvernement de Villepin, suite à la crise des banlieues de novembre 2005, la diversité revient à l'ordre du jour, suite à la victoire de Barack Obama. Le 17 décembre dernier était le jour consacré à la diversité en France. Le discours, à l'école polytechnique de Palaiseau, en Essonne, de Nicolas Sarkozy, sur la promotion de la diversité dans la vie publique des minorités, la nomination, de Yazid Sabeg(1) comme commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances ainsi que la publication du rapport du comité de réflexion sur le préambule de la Constitution française présidé par l'ancienne ministre centriste, Simone Veil(2), font de cette journée un tournant sans précédent dans la mise en œuvre de ce principe en France.Il est vrai que le rapport Veil a mis un bémol sur la dynamique et l'ambition du président français d'intégrer ce principe dans la Constitution. Le comité de réflexion a estimé que le dispositif législatif français actuel dispose en l'état de la liberté nécessaire pour lutter contre « la ségrégation réelle »(3) et préconise la reconnaissance constitutionnelle du principe d'égale dignité de chacun, via un ajout à l'article premier de la loi fondamentale. En effet, pour les membres du comité, « le principal vice de l'arsenal constitutionnel des droits fondamentaux n'est pas d'être insuffisant, mais d'être méconnu ». Cependant, ils observent par ailleurs que les conditions d'un « consensus national » sur la question de la diversité ne sont pas réunies. Tout semble donc aller dans le sens d'une diversité à l'américaine. L'effet Obama est palpable dans ses annonces qui visent la coloration du paysage médiatique, politique, en l'occurrence dans les partis politiques, ainsi que dans le secteur de l'administration publique et le privé. De plus, Nicolas Sarkozy avait déjà jeté le trouble en 2003 en marquant son intérêt pour le modèle américain de discrimination positive en faveur des minorités ethniques. Mais qu'entendons-nous par diversité ? La diversité est l'état qui indique une pluralité. Ce terme s'applique aussi de plus en plus en France à la valorisation de personnes, en général issues de l'immigration, et dont les origines se situent hors du territoire national. Sujet récurrent de polémique, cela concerne, par exemple, la diversité des présentateurs de télévision ou des acteurs de cinéma ou encore la diversité des personnalités politiques françaises. L'action du président Sarkozy serait-elle cohérente avec ses déclarations ? Sous le sceau de la « rupture » et de l'« affirmative action »(4) à la française qu'il appelle de ses vœux, il a annoncé le 8 janvier dernier son intention de modifier le préambule de la Constitution de la Ve République pour y intégrer « les nouveaux droits que notre époque appelle », notamment la promotion de la diversité et la parité hommes-femmes. Le chef de l'Etat français a pris acte du rapport Veil qui s'est défendu de prôner « l'immobilisme », en affirmant qu'il s'inscrirait « dans la continuité de cette réflexion ». Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances Dans le cadre de sa nouvelle mission, Yazid Sabeg aura la charge de « mobiliser toutes les ressources de l'Etat et de la société » en faveur du vaste plan d'action qui devra être présenté d'ici le mois de mars. Il devra particulièrement veiller au dialogue et à la concertation avec les différents acteurs concernés. Cet industriel français, reconnu comme expert sur les questions d'intégration et de diversité en France, a lancé, au lendemain de la victoire de Barack Obama(5), le Manifeste pour l'égalité réelle : « Nous, acteurs de la vie publique, Français et Françaises de bonne volonté, soucieux de la promesse démocratique de notre pays, désireux de restaurer une conscience civique authentique, demandons la mise en œuvre effective d'un programme minimal pour l'égalité réelle. » Il demande, entre autres, de « systématiser les politiques volontaristes de réussite éducative et la promotion des (6) talents dans les quartiers populaires ». Les pistes du plan d'action demandé à Yazid Sabeg sont tracées : - éducation, accès à la fonction publique, CV anonyme dans les entreprises, incitation à la diversité dans les grands médias ou les partis politiques... -, mais cela fait des années qu'elles sont évoquées, sans succès. Lors de son discours, le chef de l'Etat français a donc mis les choses au point : « Répondre au défi de la diversité en recourant à des critères ethniques ou religieux conduirait à prendre le risque de dresser les unes contre les autres des communautés rivales et à enfermer chacun dans son identité et son histoire. » Avant d'ajouter : « C'est par le critère social qu'il faut prendre le problème, parce que les inégalités sociales englobent toutes les autres. » Le quotidien Le Monde du 17 décembre 2008 rappelle que les mesures présentées par Nicolas Sarkozy pour favoriser « l'égalité réelle des chances » dans l'éducation s'inscrivent dans « la lignée de ses prédécesseurs ». Largement inspirées des annonces faites à la suite de la crise des banlieues de novembre 2005, par Dominique de Villepin et son ministre de l'Education d'alors, Gilles de Robien, elles reprennent aussi en partie des propositions du président Jacques Chirac. C'est le cas, notamment, de la mesure phare de ce plan qui vise à atteindre 30 % de boursiers dans chaque classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE), d'ici à la rentrée 2010 . Le président français veut généraliser à tous les lycées qui préparent aux grandes écoles le modèle des classes préparatoires de mise à niveau pour les élèves issus de l'éducation prioritaire. Un modèle qui existe actuellement dans quelques établissements, et notamment au prestigieux lycée Henri IV, situé dans le 5e arrondissement de Paris. Lors de ses vœux à la presse, le 4 janvier 2006, le président Jacques Chirac avait aussi demandé que les CPGE dans leur ensemble accueillent, à compter de mars 2009, un tiers des élèves boursiers. Toutes ces mesures sont innovatrices dans la promotion de la diversité en France mais les associations de défense des droits de l'homme ont déjà exigé, d'une part, que des moyens matériels soient mis en place et, d'autre part, qu'une obligation de résultat soit un impératif pour traduire ce volontarisme d'Etat dans la réalité. Le commissaire à la Diversité devrait préciser, d'ici trois mois, les mesures nécessaires à prévoir. C'est à partir de là qu'il conviendra d'évaluer la « volonté » et la « persévérance » dont le chef de l'Etat a dit vouloir faire preuve et sans lesquelles une réelle égalité des chances resterait un vœu pieux. L'auteur est : Doctorant en droit et conseiller juridique dans une ONG à Paris Notes de renvoi 1-Yazid Sabeg, né le 8 janvier 1950 à Guelma en Algérie, est un homme d'affaires français, dirigeant de la SSII CS Communication et Systèmes, et commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances depuis le 17 décembre 2008. 2-Simone Veil, née Simone Jacob le 13 juillet 1927 à Nice (Alpes-Maritimes), est une femme politique française (UDF). Rescapée de la Shoah, Simone Veil devient ministre de la santé en 1974 et à ce titre elle fait adopter la loi dite Loi Veil autorisant en France l'avortement en décembre 1974 (la promulgation intervenant le 17 janvier 1975). De 1979 à 1982, elle est aussi la première à présider le Parlement européen élu au suffrage universel. Elle est membre de l'Académie française depuis novembre 2008. 3-Libération du 17 décembre 2008 4-Discrimination positive en français 5-Le 8 novembre 2008 6-Le Monde du 15 décembre 2008.