Le chef d'orchestre et pianiste Daniel Barenboim, de nationalités israélienne et argentine, vient d'accepter le passeport que lui a offert le gouvernement palestinien. Il devient vraisemblablement la première personne à posséder à la fois le passeport de l'Etat d'Israël et celui de l'Etat en devenir de Palestine, même si cet Etat n'existe pas encore formellement. Un pas de plus dans l'engagement du musicien pour la paix au Proche-Orient, qui déclenche une tempête en Israël. Daniel Barenboim n'en est pas à son premier scandale en Israël, pays où il a grandi après être né en Argentine en 1942 et où il est « chez lui » . Brillant pianiste et chef d'orchestre des plus prestigieuses phalanges il est aujourd'hui directeur à vie de la Staatskappelle de Berlin , il aurait pu poursuivre sa carrière de musicien en fermant les yeux sur le reste. Mais ce n'est simplement pas son tempérament. Intellectuel tout en étant un homme d'action pragmatique, il n'hésite pas à peser de tout son poids pour que « le cercle vicieux de la violence cesse. » Sa première action remonte à 1999, quand il crée le West-Eastern Divan Orchestra avec son ami l'écrivain américano-palestinien Edward Saïd. L'idée est simple : faire jouer au sein du même orchestre des Israéliens, des Palestiniens et des musiciens d'origine arabe. Et ça marche ! L'orchestre s'installe chaque été en Andalousie, qui, forte de son histoire judéo-arabe, a voulu l'accueillir. Après quelques semaines de travail, les musiciens partent en tournée. Aujourd'hui, Barenboim accepte le passeport que lui donne le gouvernement palestinien : « C'est pour moi un grand honneur, a-t-il déclaré à la suite d'un récital d'œuvres de Beethoven qu'il donnait à Ramallah. J'ai accepté l'offre parce que je crois que les destinées du peuple israélien et du peuple palestinien sont inextricablement liées. Nous avons le bonheur -ou le malheur- de vivre ensemble. Je préfère le premier au second. » Difficile aujourd'hui de mesurer précisément la portée de ce geste. Mais difficile aussi d'imaginer que la puissance du symbole -le passeport de l'ennemi ! - ne fera pas bouger les lignes. C'est ce que Barenboim voulait. Mission accomplie. Nathalie Krafft (Rue89)